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C’est le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a qui a ouvert le bal des critiques. "Cette réforme est hors des clous budgétaires et elle ne correspond pas du tout aux objectifs fixés dans la coalition. On va devoir remettre tout ça sur le métier, a-t-il commenté. On a besoin d'une réforme structurelle. Là on est dans une série de mesures dont il faudrait reparler dans 3 ou 4 ans. Ça ne va pas".
Alors que celui-ci attendait des changements assurant la pérennité du système des pensions ainsi qu'une convergence des statuts et une solution pour les métiers pénibles, le MR juge le projet de la ministre Lalieux est aujourd'hui "bien loin de tout cela". Outre les critiques sur le fond, le président des réformateurs a également dénoncé la méthode utilisée par la ministre pour communiquer son projet: "Présenter une telle réforme dans la presse, avant-même que les textes se retrouvent sur la table du conseil des ministres, ce n'est pas sérieux."
Ce sont nos enfants et petits-enfants qui paieront la facture de la petite fête du PS
Du côté de la N-VA, le parti n’a pas non plus hésité à faire part de son avis sur la question, fustigeant les propositions formulées par Karine Lalieux. "On veut encore une fois dépenser de l'argent qu'on n'a pas, sans aucune adaptation valable pour rendre la réforme soutenable pour les générations à venir", selon la formation nationaliste.
Pour la N-VA, les propositions sur la table laissent croire qu'on pourra travailler moins pour avoir une plus belle pension. "Mais ce sont nos enfants et petits-enfants qui paieront la facture de la petite fête du PS", estime le parti de Bart De Wever. Le parti dénonce notamment les nouvelles conditions d'accès fixées pour bénéficier de la pension minimum. "Contrairement à ce qui est nécessaire, le travail effectif n'est pas récompensé par une meilleure pension. C'est une gifle en plein visage pour ceux qui auront contribué pendant des décennies à notre société".
Un projet "intenable"
L'opposition PTB a jugé que le projet de réforme ne remettait nullement en cause les réformes adoptées sous le gouvernement Michel. "Malgré les promesses socialistes (d'un retour à 65 ans pour la mise à la pension, ndlr), le cœur de la réforme des pensions du gouvernement Michel reste intact", a commenté vendredi Peter Mertens, leader de la formation marxiste. Celui-ci déplore la confirmation, pour la plupart des travailleurs, d'une mise à la pension à 67 ans seulement. Un départ anticipé ne sera possible qu'après 42 ans de carrière seulement, regrette encore le président du PTB qui déplore aussi l'absence de mesures spécifiques pour les métiers pénibles.
Sur Twitter, le député et porte-parole du PTB, Raoul Hedebouw, résume : "Une infirmière comme Emma, qui a 60 ans, 35 ans de carrière et n'en peut plus : avec la proposition réforme pension de @karinelalieux elle devra travailler jusque 65 ans (et demain jusque 67). C'est intenable !".
Des réactions mesurées mais positives
La vice-Première Petra De Sutter (Groen) a réagi de manière mesurée, mais positive, au projet de réforme des pensions de Karine Lalieux. Interrogée à son arrivée au comité ministériel restreint ce vendredi, Mme De Sutter a dit y voir des "équilibres", tout en avouant ne pas encore vu les détails du plan sur la table. La ministre écologiste a notamment salué les assouplissements proposés pour l'accès à une pension anticipée. Elle a aussi pointé le bonus de pension envisagé pour ceux qui seraient prêts à travailler plus longtemps.
L'accès à la pension minimum après un seuil de dix années de travail est une bonne chose aussi, a dit Mme De Sutter pour qui l'attention doit être portée aux femmes qui, bien souvent, travaillent à temps partiel pour éduquer leurs enfants. "La réforme semble équilibrée. Il faudra négocier sa finançabilité. Il faut d'abord voir les détails et analyser les propositions chiffrées", a conclu la ministre.
C'est important pour nous que l'on quitte une logique de sanctions qui ne fonctionne pas
Réactions positives également du côté de la CSC, qui se dit satisfaite que l'on "quitte une logique de sanctions qui ne fonctionne pas". Et de poursuivre, par la voix de sa secrétaire générale : "L'enjeu de cette réforme des pensions c'est d'amener de la stabilité, de la clarté... après beaucoup d'années d'incertitudes", a estimé Marie-Hélène Ska.
Si le syndicat chrétien voit des éléments positifs, notamment la possibilité de mieux combiner les fins de carrière et la vie privée mais surtout la fin "d'une logique de sanctions qui ne fonctionne pas", il rappelle que "beaucoup de questions restent ouvertes". Plusieurs dossiers seraient amenés sur la table de la concertation sociale, comme la généralisation de la pension complémentaire ou encore la question de l'égalité hommes-femmes face aux pensions. "On espère que les règles qui seront fixées par le gouvernement permettront un débat serein", a conclu la secrétaire générale de la CSC.
Karine Lalieux réagit
La ministre des Pensions a été invitée dans le RTL INFO 19H pour réagir aux critiques et s'expliquer sur son projet. D'abord sur la forme. Pourquoi avoir dévoilé le dossier dans la presse avant d'en débattre au sein du gouvernement? Était-ce un coup de communication? Le but était-il de mettre d'emblée la pression sur les autres partis de la majorité? "Pas du tout. Je ne voulais pas de faire un coup de com'. Dans l'accord du gouvernement, il était mis clairement que je devais déposer une proposition pour le 1er septembre. C'est ce que j'ai fait après avoir consulté de nombreux acteurs. La pension concerne avant tout le citoyen, et je voulais expliquer ce que la ministre de tutelle des Pensions avait construit comme nouvelle pension pour le citoyen. Ça me semblait important. Vous avez vu comme moi que depuis des semaines, des mois, tous les partis de la majorité ont des propositions. Je voulais mettre sur la table une proposition globale qui sera discutée", a-t-elle répondu.
Concernant les critiques qui affirment que le projet n'est pas viable, la socialiste a estimé que "les pensions ne seraient pas une variable budgétaire". "Hors de question de voir ce projet durant le budget 2022. Par contre, je respecte l'accord de gouvernement, et je dis: ma proposition globale est neutre budgétairement à l'horizon 2040. Et sans compter, d'ailleurs, l'augmentation du taux d'emploi à 80%. Et je veux y croire parce que Pierre-Yves Dermagne (ndlr: ministre socialiste de l'Économie et du Travail) va y travailler avec les partenaires de la majorité", a réagi la ministre.
"Ce que je ne peux plus entendre, par contre, c'est qu'on considère les pensionnés ou les futurs pensionnés comme un coût et que rien que comme un coût. Je rappelle que les pensions, ce sont les revenus de 2,2 millions de travailleurs, et je respecte ces anciens travailleurs qui, aujourd'hui, perçoivent leurs pensions. Et d'ailleurs ce que je peux leur dire, c'est que la pension de 1.500 euros pour une carrière complète sera garantie pour 2024", a conclu Karine Lalieux.