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Le tribunal de police de Bruxelles doit prononcer mardi matin jugement à l'égard de la SNCB, d'Infrabel et d'un conducteur de train, soupçonnés d'avoir commis diverses fautes ayant conduit au grave accident ferroviaire survenu le 15 février 2010 à Buizingen. Deux trains s'étaient retrouvés sur la même voie en sens opposés et étaient entrés en collision. Dix-neuf personnes, un conducteur et des passagers, ont perdu la vie.
Matériel roulant obsolète? Aiguillage mal sécurisé? Signalisation non respectée? Le tribunal de police de Bruxelles doit déterminer si l'un de ces problèmes est la cause de l'accident ferroviaire de Buizingen, ou si celui-ci résulte d'une combinaison de ces différents dysfonctionnements. Cette dernière possibilité est la thèse qui est suivie par le ministère public. Lors des débats en septembre dernier, la procureure Catherine Ramaekers a requis la culpabilité de la SNCB, l'opérateur du réseau ferroviaire belge, d'Infrabel, le gestionnaire du réseau, et du conducteur du train L (celui qui n'aurait pas suivi la bonne trajectoire).
Elle a estimé qu'autant les deux entreprises que l'employé ont commis des fautes, à différentes étapes de la chaîne de sécurité du réseau ferroviaire, ayant conduit à l'accident. La procureure a requis une amende de 700.000 euros à l'encontre de la SNCB. Elle a essentiellement soutenu que l'entreprise a manqué au plus élémentaire devoir de précaution et de prévoyance en plaçant en tête du train L un type d'automotrice (locomotive) le moins performant au niveau du système de sécurité, alors qu'une automotrice mieux équipée se trouvait en milieu du convoi. Elle a également requis une amende à l'encontre d'Infrabel, à hauteur de 650.000 euros.
Aucune de ces deux automotrices n'était équipée du système de freinage automatique
Elle a pointé du doigt l'absence d'un mécanisme permettant le placement des aiguillages en position de sécurité pour dévier le train, et l'absence d'un mécanisme appelé IOT (permettant une communication entre le conducteur et le superviseur du train). Enfin, la procureure a requis une peine de trois ans de prison avec sursis à l'encontre du conducteur du train L. Elle a soutenu que tout indiquait, dans le rapport des experts, qu'il avait franchi un feu rouge, peu après avoir passé la gare de Hal.
Toutefois, à la fin des débats, elle s'est dite non opposée au principe de décumul des responsabilités, plaidé par les avocats du conducteur, qui pourrait éviter à celui-ci d'être condamné sur le plan pénal. Du côté de la défense, l'avocat de la SNCB, Me Gérard Kuyper, a plaidé l'acquittement. Il a avancé que le choix de l'automotrice du train n'était pas en cause. La seconde automotrice possédait, en plus d'un signal sonore pour rappeler la signalisation au conducteur, un signal lumineux, rien de plus.
Aucune de ces deux automotrices n'était équipée du système de freinage automatique TBL1+, le seul qui aurait peut-être pu éviter l'accident, a-t-il rappelé. Son installation sur les automotrices venait seulement de commencer en 2010. Les conseils d'Infrabel, Me Laurent Kennes et Me Fanny Vansiliette, ont également plaidé l'acquittement. Ils ont avancé qu'Infrabel, créée en 2005, ne pouvait pas être tenue responsable de l'absence du système IOT, qui avait été enlevé en 1997 lors des aménagements des voies pour le passage des TGV, et non réhabilité ensuite. Les avocats ont aussi exposé qu'une déviation du train n'aurait pas été possible sans risquer une autre collision.
Une défectuosité du feu de signalement
Infrabel s'est targuée d'avoir déjà équipé les voies du système TBL1+ en 2008, alors que la SNCB n'a commencé à équiper ses locomotives de ce système que deux ans plus tard. Quant à un reproche de manque de communication entre elles au sujet de la sécurité du réseau ferroviaire, les deux entreprises l'ont contesté.
Pour finir, les conseils du conducteur de train ont eux aussi plaidé l'acquittement. Se basant sur une étude menée par un professeur en électromécanique, Me Antoine Chomé et Me Dimitri de Béco ont soutenu qu'une défectuosité du feu de signalement lui-même était possible et que, dans ce cas, il avait pu afficher erronément un signal vert, ce que leur client dit avoir vu. Ils ont rappelé qu'un incident lié au signalement s'était déjà produit, un mois avant l'accident, au même endroit, obligeant un train à effectuer un freinage d'urgence.
Par le passé, le conducteur du train L avait été sanctionné pour avoir franchi un signal rouge en conduisant un train au car-wash. Mais dans ce cas, tout indique dans son comportement qu'il a respecté la signalisation, ont soutenu ses avocats, notamment le fait qu'il a marqué un arrêt avant de redémarrer. Me Chomé et Me de Béco ont toutefois plaidé, à titre subsidiaire, le décumul des responsabilités. Ce principe veut que, dans le cas où des personnes physiques et des personnes morales sont incriminées, seule la personne ayant commis la faute la plus grave peut être condamnée.
L'ensemble du réseau ferroviaire belge équipé du système de freinage
Pour ceux-ci, l'employeur de leur client, la SNCB, est le principal responsable des défauts de sécurité qui ont mené à l'accident. Le 15 février 2010 à 08h28, un train local (train L) Louvain-Braine-le-Comte a percuté un train InterCity (train IC) Quiévrain-Liège-Guillemains à hauteur de Buizingen, dans l'entité de Hal (Brabant flamand). La collision a fait dix-neuf morts, une trentaine de blessés graves et une centaine de blessés légers.
Le conducteur du train L est suspecté d'avoir brûlé un feu rouge, ce qu'il a toujours contesté. Les sociétés SNCB, opérateur du réseau ferroviaire, et Infrabel, gestionnaire du réseau, sont quant à elles suspectées de négligence en matière de sécurité. Elles ont également estimé l'une comme l'autre n'avoir commis aucune faute dans la manière dont la sécurité est assurée sur le rail.
Le rapport du collège d'experts qui s'est penché sur l'accident conclut qu'il y a eu franchissement d'un feu rouge. Mais il relève aussi un défaut d'équipement de sécurité de la locomotive du train L. Celle-ci n'était pas équipée du système de freinage automatique TBL1+, qui aurait pu permettre d'éviter l'accident. Aujourd'hui, l'ensemble du réseau ferroviaire belge est équipé de ce système. Infrabel et la SNCB ont également entamé le déploiement du système de contrôle de vitesse en continu ETCS.