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Le procès de deux ex-dirigeants du Canard enchaîné, d'un ancien dessinateur et de sa compagne, soupçonnés d'abus de biens sociaux au préjudice de l'hebdomadaire satirique qui a révélé l'emploi fictif de Penelope Fillon, a été renvoyé à juillet 2025 en raison de l'état de santé d'un des prévenus.
Prévu de mardi à vendredi, le procès se tiendra finalement du 8 au 11 juillet devant la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris.
Dans ce dossier, Michel Gaillard, président du Canard de 1992 à juillet 2023, Nicolas Brimo, qui lui a succédé, l'ancien dessinateur André Escaro et sa compagne Edith Vandendaele, doivent répondre d'abus de biens sociaux ou recel de ce délit, déclaration frauduleuse pour obtenir une carte de presse, faux et usage de faux et déclaration frauduleuse à un organisme social.
Mais à l'ouverture du procès mardi en début d'après-midi, seuls deux des prévenus, Michel Gaillard et Nicolas Brimo, se sont présentés.
En début d'audience, les avocats de la défense ont demandé le renvoi du procès, arguant des problèmes de santé d'André Escaro, 96 ans, et faisant valoir que sa compagne était obligée de rester à son chevet.
Le tribunal correctionnel a finalement ordonné une mesure d'expertise visant à estimer la capacité du couple à comparaître, qui devra être rendue avant le 20 juin 2025.
Cette affaire a provoqué une profonde crise interne dans ce titre centenaire, célèbre pour ses calembours, ses caricatures et les nombreux scandales politiques et économiques qu'il a dévoilés.
En mai 2022, Christophe Nobili, l'un des journalistes à l'origine des révélations sur les emplois fictifs de l'épouse de François Fillon pendant la campagne présidentielle 2017, porte plainte contre X.
Il dénonce le fait que la compagne d'André Escaro, dessinateur et ex-administrateur du journal, aurait bénéficié pendant 25 ans d'une rémunération du journal sans y avoir travaillé.
Selon un rapport de synthèse de juillet 2023 de la brigade financière, révélé par Mediapart et dont l'AFP a eu connaissance, André Escaro a expliqué aux enquêteurs qu'une fois parti à la retraite en 1996, il avait continué à envoyer chaque semaine des dessins et qu'il s'était mis d'accord avec les dirigeants du journal pour que sa compagne, qui lui apportait "une contribution morale et technique à la préparation des caricatures", soit rémunérée par le journal.
- "Crédibilité" -
Le préjudice a été évalué à près de 1,5 million d'euros entre 2010 et 2022, période retenue par les enquêteurs, les faits commis avant 2010 étant prescrits.
Pour Me Pierre-Olivier Lambert, qui défend Christophe Nobili avec Me Maria Cornaz Bassoli, "les manœuvres des anciens dirigeants (...) ont fait peser un risque sur sa crédibilité".
Six autres actionnaires minoritaires du journal, dont le rédacteur en chef historique Claude Angeli, ont indiqué mardi leur intention de se porter partie civile au côté de Christophe Nobili.
La société qui édite le Canard enchaîné, les Editions Maréchal, s'est aussi portée partie civile mais son avocat a soutenu pendant l'audience la demande de renvoi de la défense.
En mars 2023, Christophe Nobili a publié "Cher Canard" (JCLattès), un ouvrage revenant sur toute cette affaire, qui a mis au jour des fractures au sein de la rédaction.
Après sa parution, la direction a déclenché une procédure de licenciement à l'encontre du journaliste, mais a été déboutée à quatre reprises, par l'inspection du travail et par le ministre, selon Me Lambert. Un nouveau recours a été lancé par le Canard devant le tribunal administratif.
De son côté, M. Nobili a intenté une procédure pour harcèlement contre Nicolas Brimo et Michel Gaillard, avec le soutien des syndicats SNJ-CGT et SNJ. Une audience devant le conseil des prud'hommes est prévue le 29 novembre.
Par ailleurs, l'hebdomadaire a déposé en mars 2024 une plainte, s'estimant victime d'une "perquisition numérique illégale" via un "lien" numérique fourni par M. Nobili.
Cette plainte a été classée sans suite en juillet pour absence d'infraction, mais le journal a déposé une autre plainte avec constitution de partie civile pour obtenir la saisine d'un juge d'instruction.