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Considérés comme des références chacun en leur temps, Toulouse et Toulon, opposés samedi en Top 14, ont vu leur modèle économique s’essouffler et sont tous deux à la recherche d'argent frais pour le relancer.
A Ernest-Wallon, Didier Lacroix a vite fait les comptes. Pourtant arrivé cet été avec un chèque de 3,5 millions d'euros de la société de marketing Infront en échange des droits sur l'une des marques les plus renommées du rugby français, le nouveau président toulousain a fait voter le 18 décembre une recapitalisation par tranches d'un montant maximum de 5 millions.
Son but? Lever de l'argent frais pour investir et rafraîchir le modèle du club le plus titré du rugby français, après cinq ans de comptes d'exploitation dans le rouge (perte annuelle d'environ 1,5 million d'euros).
"Il y a des zones d'amélioration dans l'ensemble" des comptes du club, "la billetterie, le merchandising, les locations de salles, et ça mérite de l'investissement. On a besoin d'un lifting sur les relations publiques, sur la brasserie", explique à l'AFP le président du club, contrôlé par l'Association Stade Toulousain Rugby (près de 50% du capital) et les Amis du Stade (25%), qui sont propriétaires d'Ernest-Wallon.
- Toulouse doit 'investir' -
Lorsqu'il dominait le rugby français et européen dans les années 1990 et 2000, le Stade Toulousain, qui reste l'un des plus gros budgets du Top 14 (29,9 millions d'euros), a bâti un modèle économico-sportif qui a fait son succès.
Mais qui a fini par se heurter, lorsque ses résultats ont décliné, à l'émergence de nouvelles forces (Toulon, Racing, Montpellier) capables de répondre à l'inflation des salaires des joueurs.
Le club avait d'ailleurs dû déjà faire entrer en 2014 la société de conseil Fiducial, qui détient environ 10% du capital et qui serait aujourd'hui, selon plusieurs médias, opposée au nouveau plan de Lacroix.
Selon Lionel Maltese, spécialiste en marketing sportif et professeur à la Kedge Business School, "ce qu'a réussi le Stade Toulousain dans les années 1990 en étant au top en terme de revenus et de palmarès en France et en Europe, c'est un modèle qu'il n'a pas su faire évoluer".
"Il a une marque bien ancrée mais aujourd'hui, il lui faut générer de l'avantage concurrentiel (par rapport aux autres clubs) et pour cela, il faut investir et il faut donc du capital", souligne-t-il.
"Très clairement, la question, c'est: +le modèle du Stade est mort ou pas?+ Je pense réellement qu'il ne l'est pas, si on optimise l'ensemble des recettes et qu'on est plus exigeant sur les charges, et notamment la masse salariale" des joueurs, veut croire Lacroix.
- A Toulon, les limites de la starification -
Même recherche d'argent frais à Toulon où Mourad Boudjellal, qui possède 97% du club, souhaite faire entrer un actionnaire.
"On a besoin aussi de développement et ça passe par ça", a déclaré jeudi dernier le président varois, qui a repris le club en 2006 dans les tréfonds de la Pro D2 avant de le porter sur le toit de l'Europe et de la France.
Il a mandaté pour cela l'avocat d'affaires Didier Poulmaire, assisté du cabinet KPMG.
"Le modèle de Boudjellal", qui a notamment fait venir l'ancien All Black Tana Umaga en 2006 alors que le RCT était encore en deuxième division, "c'est la starification", décrypte Lionel Maltese.
"Il a anticipé un certain nombre de choses du sport business à savoir que les gens viennent au stade pour une star, c'est un risque mais ça a marché", ajoute-t-il.
"Il a réussi à perdurer en étant attractif sur le plan salarial avec le gros coup de la venue de Jonny Wilkinson (en 2009) par exemple. Mais il est difficile de reproduire cela sur le long terme, face à des clubs qui ont une plus grosse surface financière comme le Racing de (Jacky) Lorenzetti ou le MHR de (Mohed) Altrad", poursuit l'économiste.
Toulon, qui n'est pas une grande métropole, "restera toujours limitée par son tissu économique et l'arrivée de nouveaux investisseurs permettra de développer la ressource stade, fans, la marque, d'être plus équilibré dans ses pôles d'attractivité", conclut Maltese.