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Pourquoi une telle pénurie de profs de néerlandais? Sébastien s’inquiète des lacunes de sa fille

La pénurie de professeurs de néerlandais plonge de nombreuses écoles dans une situation difficile, notamment à Bruxelles. Sébastien, père de quatre enfants, s'inquiète pour l'avenir professionnel de sa fille, dont le niveau de néerlandais lui semble très faible pour une élève de troisième secondaire.

Sébastien considère que l'enseignement de néerlandais dont a bénéficié sa fille aînée au cours des trois dernières années a été largement insuffisant. Il se plaint, via le bouton orange Alertez-nous, que l’Institut Maris Stella, à Laeken, peine à assurer les cours prévus en néerlandais, faute de personnel. Ce qui laisse sa fille, actuellement en troisième secondaire, "sans la moindre base", dit-il, dans cette langue. Une situation qui reflète un problème bien plus vaste : la pénurie d’enseignants de néerlandais.

"Ses points étaient assez corrects. Je me disais qu’elle se débrouillait bien et en fait je me suis rendu compte qu’elle n’avait que très peu de connaissances en néerlandais", raconte Sébastien. Ce père de 4 enfants a trouvé l’explication de ces lacunes en constatant que sa fille avait de nombreuses "heures de fourche", de battement entre les cours, dues à l’absence de professeur de néerlandais. "Dans un pays où deux langues principales coexistent, comment est-il possible que cela se produise, alors que la maîtrise des langues est importante pour trouver un emploi ?"

Une pénurie qui touche toutes les écoles de Bruxelles

Imane Kenfaoui, directrice de l’Institut Maris Stella, rappelle que la pénurie de professeurs de néerlandais dépasse largement le cadre de son établissement. "La question n'est pas liée à Maris Stella, mais à toutes les écoles de Bruxelles", souligne-t-elle.

En effet, la position géographique d’une école comme Maris Stella ne joue pas en sa faveur : "Quand vous êtes excentré au nord-ouest de Bruxelles, c’est un peu compliqué", indique la directrice. "Les enseignants qui sont diplômés en néerlandais peuvent choisir où ils vont travailler. C'est-à-dire qu'ils n'ont pas besoin de faire 100 kilomètres aller-retour pour trouver un boulot", explique Arnaud Michel, Directeur au Département de la communication du SeGEC.

Barème, reconnaissance de l’ancienneté : le système éducatif flamand plus attractif que le francophone

La pénurie de professeurs qualifiés est d'autant plus accentuée à Bruxelles par des facteurs structurels. La concurrence entre les systèmes éducatifs francophone et flamand joue un rôle important dans la difficulté à recruter des enseignants de néerlandais. "L'enseignement flamand, lui-même en pénurie, a mis depuis plusieurs années en place des mesures qui, semble-t-il, en tous les cas à Bruxelles, commencent à porter leurs fruits", explique une représentante de l’Union des Parents des écoles d'Immersion en Néerlandais (UPIN).

"D'un point de vue barémique, c'est plus intéressant pour des néerlandophones de travailler dans des écoles néerlandophones", observe Imane Kenfaoui. "On parle quand même d’une différence d’entre 100 et 200 € en fonction de l'ancienneté", indique l'UPIN.

De plus, en Flandre, la reconnaissance de l'ancienneté est plus avantageuse pour les enseignants issus du secteur privé, ce qui les incite à préférer le système flamand. "Si vous venez du privé et que vous vous lancez dans l'enseignement du côté flamand, la reconnaissance d'ancienneté est actuellement de dix ans et devrait être étendue à quinze ans en 2025", explique l’UPIN.

Du côté francophone, dans un tel cas, il n’y a actuellement pas de reconnaissance d’ancienneté. Si vous décidez de vous lancer dans l’enseignement après une longue expérience dans le privé, "vous vous retrouvez à un barème de débutant", poursuit l’UPIN.
 

Les rythmes scolaires : un facteur aggravant

Cette pénurie d'enseignants de néerlandais s’est intensifiée depuis 2022, notamment en raison de l'implémentation de la réforme des rythmes scolaires. "Les néerlandophones qui habitent en Flandre et qui veulent aller dans l'enseignement, ont plutôt tendance à aller dans l'enseignement flamand. Parce que s'ils ont des enfants, autant qu'ils aient les congés scolaires en même temps qu’eux", explique Arnaud Michel, Directeur au Département de la communication du SeGEC.

Peu d’étudiants wallons dans la filière des langues germaniques

Le problème n’est pas uniquement lié à la concurrence du système flamand. En effet, en Wallonie, où le néerlandais n’est plus obligatoire depuis les années 70, très peu d’étudiants se dirigent vers des études de langues germaniques. "Le pool de base est très, très, restreint", constate l’UPIN.

"Là, je me retrouve avec des candidats qui sont carrément sans CESS", raconte Imane Kenfaoui. "Je ne les mettrai pas face à des élèves. Un prof qui n’a jamais enseigné et qui n'a même pas ses humanités. Vous pensez bien que c'est un peu délicat…"

Les solutions envisagées dans la déclaration de politique communautaire

Pour répondre à cette pénurie, plusieurs pistes de solutions ont été identifiées dans la déclaration de politique communautaire du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Parmi celles-ci, il y a l’extension du régime des experts — qui n’existe actuellement que dans l’enseignement technique et professionnel — à d’autres domaines, comme le néerlandais. Ce régime permettrait de faire appel à des spécialistes extérieurs : "Ce sont des gens issus du privé, mais qui ne quittent pas totalement le privé, et qui sont détachés par leur entreprise pour venir renforcer les écoles", explique l’UPIN.

Il y a également une volonté de pérenniser le “Pool d’enseignants remplaçants”, projet expérimental mis en place lors de la législature précédente, avec un bilan positif. "L'idée du pool de remplaçants, c'est, quand on a un poste vide pendant deux semaines, de faire appel à quelqu'un de ce pool qui va venir donner le cours pendant deux semaines".

La rémunération des stagiaires en quatrième année d’études fait également partie du paquet de mesures prévues par la ministre francophone de l'Éducation, Valérie Glatigny. "C'était une grosse question parce que faire un stage pendant un an, donc travailler pendant un an sans être payé, ça n'intéresse pas grand monde", souligne l’UPIN.

La reconnaissance de dix ans d'ancienneté, qui n’existe qu’en Flandre actuellement, devrait être rendue effective en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Un CDI pour les enseignants entrant en fonction en 2027

Le MR et Les Engagés ont annoncé un changement majeur dans leur déclaration de politique communautaire : les futurs enseignants seront engagés sous contrat à durée indéterminée. Ce qui marque la fin progressive de la nomination statutaire. Le projet suscite de nombreuses réactions, notamment de la part de l'opposition. "Cela découragera les jeunes de se lancer dans la carrière et renforcera la pénurie d'enseignants, déjà dramatique en Belgique", déclarait récemment la députée au Parlement wallon Alice Bernard sur bel RTL. "À ce stade, la nomination est toujours d'actualité et ce n'est pas pour autant qu'on a des profs de néerlandais", observe pour sa part Imane Kenfaoui. Pour l’UPIN, le projet montre "une volonté de s'adresser aux enseignants qui débutent dans la carrière et qui ont besoin d'être stabilisés plus rapidement que ce que permet le système actuel".

 

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