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Kevin nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Le père de famille est perdu. Son fils de 9 ans souffre de retard mental et présente des troubles du comportement. Il est menaçant et parfois violent, son entourage a peur "que ça dérape".
"J'ai regardé des reportages sur les psychopathes et mon fils s'en rapproche sur plusieurs points", révèle Kevin dépité. Ce jeune père de trois enfants ne s'en sort plus avec le plus jeune. Tyméo, 9 ans, souffre de retard mental et présente des troubles comportementaux. Le papa raconte: "Il aime pousser les gens à bout. À l'école, ça ne se passe pas bien, il est méchant avec les autres enfants. Parfois, il menace de tuer tout le monde. C'est allé crescendo. Ça a toujours été des paroles jusqu'au jour où il est passé à l'acte avec son cobaye."
J'ignore s'il réalise ce qu'il fait
L'enfant s'en est pris à son rongeur qu'il a "laissé pour mort". Kevin ne sait pas quoi penser, il est très inquiet et se sent démuni: "J'ignore s'il réalise ce qu'il fait." Ce que dénonce ce papa, c'est le manque de structures qui puissent le soutenir: "Je mène ce combat depuis neuf ans et on ne nous aide pas. On appelle à l'aide, mais rien."
Si le retard mental de Tyméo a été diagnostiqué, ce n'est pas le cas de ses troubles comportementaux. Le jeune garçon était suivi par un neuropédiatre qui est dépassé par le cas. L'enfant devrait voir un pédopsychiatre. Le hic: "Ils sont tous surbookés ou ne prennent plus de nouveaux patients."
Nous avons rencontré des professionnels du secteur qui confirment cette tendance. Un rendez-vous avec un pédopsychiatre dans des délais courts, c'est pour ainsi dire impossible actuellement. Ce simple constat ne permet pas à Kevin de dormir tranquille: "Je suis inquiet, j'ai peur pour sa sécurité. Notre situation pourrait déraper à tout moment." Tyméo a caché des couteaux sous son lit, l'école ne peut plus le garder, il se frappe… les histoires se suivent et se ressemblent, mais la famille est dans une impasse. Ils ont déjà eu des échanges avec différents services d'aide, mais selon eux, rien n'a été concluant pour diverses raisons.
"Construire un projet autour de Tyméo"
Du côté de l'Aviq (Agence wallonne pour une vie de qualité), on suggère à Kevin de prendre rendez-vous avec un bureau régional pour "dresser les besoins spécifiques de Tyméo". "L'idée n'est pas de le faire entrer dans une case, mais de construire un projet autour de lui pour qu'il puisse évoluer et s'épanouir", explique la porte-parole Lara Kotlar. Il va falloir tout reprendre depuis le début avec tous les acteurs qui gravitent autour du jeune garçon.
En général, ces enfants sont plus dangereux pour eux-mêmes que pour les autres
C'est une première étape. Il sera ensuite toujours question, dès que possible, de consulter un pédopsychiatre qui pourra établir un diagnostic. Voici comment cela se passe: "On reçoit les parents et l'enfant, on leur demande de décrire ce qu'il se passe. On demande aussi de décrire les réactions que les parents ont quand l'enfant est agressif ou provocant. Ça se passe dans le dialogue. Ensuite, il existe aussi des examens complémentaires (de concentration, de mémoire…) pour voir comment l'enfant se situe par rapport à la moyenne", expose Éric Picard, pédopsychiatre. Cela va permettre, dans un premier temps, d'"aider la famille à comprendre. À ne pas avoir des exigences trop importantes et à être suffisamment soutenante pour l'enfant".
Pour le reste, c'est au cas par cas. Et dans celui de Tyméo, le retard mental est aussi un élément à prendre en compte. Le spécialiste explique que lorsqu'un enfant de trois ans, par exemple, parle de tuer, il ne se rend peut-être pas compte de ses propos. Et avec son retard, même si Tyméo a 9 ans, il y a une possibilité qu'il se comporte comme un enfant plus jeune. C'est une donnée parmi d'autres. Seul le diagnostic complet permettra à l'entourage d'avoir les réponses qu'il cherche.
Une fois ce diagnostic établi, il est transféré à l'Aviq pour pouvoir imaginer la suite.
En attendant que ce soit possible, l'Aviq conseille aussi à la famille de se tourner vers un service de santé mentale: "Ils peuvent orienter les familles et leur apporter le soutien dont ils ont besoin. C'est de la première ligne."
Et après ?
Aller voir un pédopsychiatre, ça ne suffit pas, explique Éric Picard. Après cela, l'enfant doit être "orienté dans un enseignement spécialisé adapté, pour autant qu'il soit scolarisable et dans un centre de jour qui est plus médicalisé avec des éducateurs, des psychologues, des logopèdes."
Voilà un autre problème pour Kévin. Trouver un centre de jour ne semble pas plus facile que de trouver un pédopsychiatre: "Il y a des listes d'attente de plus d'un an."
"Il existe 18 institutions de services d'accueil pour jeunes un peu partout en Wallonie. La difficulté supplémentaire, c'est qu'elles ont chacune leur spécificité", avance Lara Kotlar de l'Aviq. Dans le cas qui nous intéresse ici, encore une fois, le retard mental de Tyméo, jumelé à ses troubles du comportement, ça rend les besoins d'autant plus spécifiques. "C'est la raison pour laquelle il faut tout évaluer pour pouvoir apporter les soins dont Tyméo a besoin", précise la porte-parole. Chaque situation est unique.
On l'aura compris, c'est un petit parcours du combattant qui attend Kevin et sa famille. En attendant de pouvoir faire toutes ces démarches, le père de famille a installé des caméras pour surveiller l'enfant, de peur qu'il devienne dangereux.
Notons toutefois que selon le spécialiste, "en général ces enfants sont plus dangereux pour eux-mêmes que pour les autres". Il ajoute aussi qu'on ne parle pas de "psychopathie" chez les enfants. Pour autant, si des troubles apparaissent, il faut s'inquiéter immédiatement: "Dès qu'il est en dehors des normes classiques de son âge et quand ces troubles deviennent répétitifs."