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A une semaine d'une élection où Jean-Luc Rougé, 71 ans, vise un cinquième mandat de président de la Fédération française de judo, une nouvelle affaire de violences sexuelles visant cette fois un ex-cadre du judo français embarrasse les instances.
Le climat pré-électoral dans le judo rappelle celui du patinage il y a quelques mois. Depuis le témoignage paru dans le Parisien il y a dix jours d'une judoka racontant avoir été violée par son entraîneur lorsqu'elle était mineure, les langues se délient. Les témoignages affluent, et les affaires sortent.
Le judo, avec l'équitation et le patinage, "fait partie des sports les plus touchés", a confié la ministre des Sports Roxana Maracineanu. Une vingtaine de cas de violences sexuelles sur les 330 recensés par la cellule mise en place au ministère des Sports vise actuellement le judo, l'un des sports les plus pratiqués en France avec près d'un demi-million de licenciés.
Et si ces affaires éclairent d'une lumière peu reluisante le climat qui semble régner dans ce sport, le dernier dossier, révélé par l'AFP, soulève des interrogations sur sa gestion par les instances du judo français.
- Réunion de crise -
Un ex-cadre de la Fédération française de judo entre 2012 et 2016, entraîneur dans un club du Nord de la France, a en effet été suspendu récemment par la fédération, soupçonné de plusieurs agressions sexuelles, a appris l'AFP de sources concordantes.
L'homme, âgé d'une soixantaine d'années, n'est pas un inconnu dans le monde du judo. Il a fait partie du comité directeur de la fédération pendant quatre ans, et, à ce titre, a côtoyé l'actuel président de la FF judo, Jean-Luc Rougé.
"Ils se connaissent. Mais en même temps, à ce niveau là, c'est normal", estime une source proche du dossier qui assure que cet entraîneur avait déjà fait l'objet d'un signalement.
"Il y a quelques années, une personne a signalé des faits incriminant cet ancien président de ligue. Mais rien n'a jamais été fait", assure cette source.
La personne ayant signalé ces faits n'a pu être jointe par l'AFP. Selon plusieurs sources, cet ex-dirigeant du judo français a été l'entraîneur du professeur mis en examen pour viol sur mineure, dont la victime a témoigné dans le Parisien.
"Ils étaient dans le même club", assure une source à la fédération.
"J'ai reçu un courrier de la fédération et je sais d'où ça provient. On a émis des soupçons sur ma personne. Ce sont des désaccords entre des personnes dans un club", s'est défendu à l'AFP l'ex-membre de la direction de la fédération suspendu à l'AFP.
Mais ce cas interroge.
Le lendemain de la parution du témoignage dans le Parisien, le 3 novembre, Jean-Luc Rougé et plusieurs responsables de la fédération ont participé à une réunion de crise, selon des sources internes à la fédération.
- "Que ça change" -
Le cas de cet ancien dirigeant a alors été évoqué, "comme étant susceptible de surgir", assure l'une de ces sources.
Joint par l'AFP, Jean-Luc Rougé dit "ne pas se souvenir d'avoir évoqué le nom de cette personne" lors de cette réunion. Il assure avoir été alerté sur cet entraîneur pour la première fois lors d'une rencontre avec la ministre des Sports le 3 novembre au soir.
"Quand nous avons échangé nos remontées (de signalements, ndlr), avec Jean-Luc, cette personne ne figurait pas dans leur tableau", a assuré la ministre des Sports Roxana Maracineanu.
La fédération ou certains de ses membres étaient-ils au courant des agissements de l'un des leurs? Une mission d'inspection lancée dans le judo permettra, selon la ministre des Sports d'"enquêter plus loin pour voir ce qu'il en est de ces personnes qui ont navigué à différents postes au sein de la fédération".
Ce nouveau cas participe en tout cas à une prise de conscience dans le judo.
"Comment un entraîneur a pu opérer comme cela pendant des années sans que personne ne le voit?", s'interroge un ancien judoka ayant requis l'anonymat. "Il va falloir que ça change".