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Des sanctions "parfaitement injustes" pour certains, un "coup dur" pour d'autres: après les droits de douane à 25% annoncés par les États-Unis sur le vin français, la viticulture bourguignonne a le sentiment d'être la victime collatérale d'un conflit commercial qui la dépasse.
"C'est une taxation parfaitement injuste, parce qu'elle compense un contentieux qui concerne l'aéronautique et pas la filière vin", lance Anne Parent, viticultrice à Pommard, qui réalise un quart de son chiffre d'affaires à l'export vers les Etats-Unis.
Dans les caves du domaine qu'elle dirige avec sa soeur, un millésime 2019 "absolument superbe", selon elle, est en train d'être mis en tonneaux. Dans une salle à l'étage, des cartons de Pommard premier cru 2017, destinés aux Etats-Unis, sont en préparation.
La semaine prochaine, "trois ou quatre" palettes seront expédiées, une partie vers le Texas, l'autre au Wisconsin. "C'était prévu comme ça, (les annonces américaines) n'ont pas changé le planning", affirme Mme Parent.
La vigneronne espère que les sanctions seront "passagères". En attendant, "il est important de soutenir nos clients, de leur montrer qu'on est toujours volontaires et que pour nous c'est un marché important."
Mais "on sera certainement amenés à compenser une baisse de volume et une baisse de chiffre d'affaires sur les Etats-Unis", ajoute-t-elle, y voyant l'occasion "d'aller voir sur d'autres marchés ou même de renforcer notre présence en France".
A moins d'une dizaine de kilomètres de là, dans le hall de la maison Latour, négociant-éleveur à Beaune, des cartons sont sur le point de partir pour New-York. Mais d'autres commandes pour les Etats-Unis ne partiront pas.
"Ce matin, on a eu trois conteneurs annulés. Il y a une espèce de crainte" de la part des clients, indique Louis-Fabrice Latour, président du directoire et président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
C'est "un coup dur", juge-t-il. "On est quand même très surpris, un peu interloqués, parce que ça ne nous regarde pas. C'est un conflit qui nous dépasse un petit peu, qui concerne Boeing et Airbus."
- "Panique à bord" -
Ses clients américains n'ont "jamais vraiment cru" aux sanctions, affirme-t-il. "Alors maintenant, c'est un petit peu la panique à bord".
Il réalise 20% de son chiffre d'affaires (soit 20 millions d'euros) aux Etats-Unis et se prépare à perdre "un bon tiers" de ce marché, sur lequel la maison Latour est présente depuis "un siècle et demi".
Si la Bourgogne est particulièrement affectée par ces sanctions, c'est que les Etats-Unis en sont le premier client étranger, pesant pour près d'un quart des exportations.
Malgré tout, "c'est une taxe à 25%, pas une taxe à 100%. A 25% tout le monde peut travailler", philosophe M. Latour. "C'est dur, c'est dommage, mais on peut absorber le choc."
Grâce aux stocks, les effets pour les consommateurs se feront vraiment ressentir dans six mois, selon lui, si un accord entre Europe et Etats-Unis n'a pas été trouvé d'ici-là.
La Bourgogne, quant à elle, dispose de "relais de croissance" dans d'autres pays, notamment en Asie, qui pourraient "en partie compenser" la réduction sur le marché américain, estime Romain Taupenot, viticulteur à Morey Saint-Denis, qui exporte 80 à 90% de sa production (les Etats-Unis représentent près de 20% de son chiffre d'affaires).
Le président américain Donald Trump "a tendance à sortir assez vite l'artillerie lourde", mais "on est plus dans une partie de négociation", veut-il croire.
"Quelque part c'est de bonne guerre de la part de Trump: il appuie là où ça fait mal", ajoute le vigneron, qui estime que des négociations pourraient encore aboutir à la levée de ces sanctions avant leur entrée en vigueur le 18 octobre.
Une chose est sûre, pour ces professionnels bourguignons: les grands crus bourguignons trouveront toujours preneurs aux Etats-Unis, même à un prix plus élevé. Ce sera plus compliqué pour les vins de milieu de gamme, vendus autour de 15 dollars, qui doivent affronter la concurrence italienne.... qui échappe, elle, aux sanctions.