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Accusée, par ses rejets d'eau douce, d'avoir provoqué un grave préjudice écologique à l'étang de Berre (Bouches-du-Rhône) , une des plus grandes lagunes méditerranéennes d'Europe, EDF a comparu devant la justice lundi à Marseille, poursuivie notamment pour "pollution des eaux marines".
Par une citation directe, le Gipreb (syndicat mixte de l'étang de Berre) a demandé au tribunal correctionnel qu'EDF, qui exploite des centrales hydroélectriques dans la zone, soit reconnu coupable "des rejets d'eau chargée en nitrates et en limons ayant conduit au cours de l'été 2018 à une crise écologique sans précédent".
Cet été-là, l'écosystème de l'étang avait subi les effets d'un sévère épisode d'anoxie (absence d'oxygène), dû selon le Gipreb a une stratification de l'eau entre une couche de surface plus douce et une couche profonde plus salée et à une eutrophisation, un développement accéléré des algues.
Résultat: des milliers de poissons morts, une mortalité exceptionnelle de la faune du fond de l'étang et des herbiers réduits à peau de chagrin.
Pour le Gipreb, si la météo très chaude et sans vent de l'été 2018 ont aussi joué un rôle, les apports d'EDF en eau douce sont bien les responsables de l'anoxie. Et ce même si, comme l'a relevé la présidente du tribunal, Mme Laure Humeau, "il n'y a aucune indication que les quotas aient été dépassés" par l'entreprise.
Appelé à témoigner par le Gipreb, l'océanologue David Nérini a assuré que "personne ne maîtrise le vent ou le soleil, donc le seul levier qu'on a à moyen terme sur l'étang de Berre, c'est de limiter les rejets d'eau douce".
EDF, dont les déversements constituent près de 80% des apports en eau douce de la lagune, "a une influence massive": "Si on diminue ce facteur, on a une amélioration de l'écosystème", a assuré M. Nérini à la barre.
De son côté, le directeur d'EDF hydro-Méditerranée, Hervé Guillot, a mis en avant des "rejets exceptionnels" pendant l'été 2018, dus à de forts orages, et assuré avoir répondu à des "enjeux de sécurité publique pour éviter de saturer la basse vallée du Rhône": "On ne pouvait pas faire autrement", a-t-il plaidé.
Outre la "remise en état durable" de l'écosystème, notamment par la limitation de ses rejets d'eau douce, le Gipreb ainsi que le Comité régional des pêches maritimes demandent à EDF près de 14 millions d'euros au titre des préjudices économique et écologique.
Sans demander de peine, l'avocate générale a déclaré s'en remettre aux conclusions du tribunal. Le jugement été mis en délibéré au 4 juillet.