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"Il n'y a rien de prévu pour l'avenir": syndicats et travailleurs se sentent délaissés suite à l'annonce d'Audi Brussels

L'usine Audi de Brussels risque la fermeture, faute de production. Les syndicats réagissent à cette annonce. 

Le travail est censé reprendre demain, sur le site de Forrest. 200 employés issus essentiellement de tôleries, mais également du service administratif, sont attendus à partir de 6h demain matin. C'est en tout cas le plan qui est prévu par la direction.

Les annonces de ce matin ont engendré une grande vague de déception et de colère chez les employés. Les syndicats doutent que tous les travailleurs soient prêts à reprendre avec calme, ces derniers pourraient même profiter de ce retour à l'usine pour exprimer très clairement leur mécontentement. 

Du côté de la direction, on espère que cette reprise du travail permette d'envoyer un signal positif aux repreneurs potentiels.  "C'est quand même dans l'intérêt de tout le monde. Quand je dis "Tout le monde", ça veut dire tous les collaborateurs d'Audi Brussels, mais aussi les fournisseurs. C'est le moment de montrer au monde qu'on sait produire aussi des voitures de bonne qualité dans des circonstances difficiles et ça, ça peut être un atout pour les investisseurs potentiels", explique ainsi Peter D'Hoore, porte-parole d'Audi Brussels.

Une annonce choc

"Aucun projet automobile ni volume de production n'est sur le planning pour les prochaines années pour notre usine. Ce qui signifie une fermeture", a indiqué le front commun syndical dans un communiqué. 

"On se sent délaissés. On reste camper devant l'usine", témoigne Nourdine Taybi, sous-traitant en logistique. 

Face à cette nouvelle, les syndicats se sont rendus à un conseil d'entreprise ayant eu lieu ce matin. Malheureusement, ce dernier se serait "relativement mal passé".

"On était parti sur des questions-réponses et petit à petit, ça a tourné sur l'avenir de l'usine où ils nous ont confirmé qu'actuellement, il n'y avait pas de modèle successeur après la Q8", explique ainsi Pascal Debrulle, délégué de la FGTB. "On a eu beau demander, que ce soit dans le groupe Volks Wagen ou Audi : il n'y a rien de prévu pour l'avenir pour nous".

"On sait que s'il n'y a pas un modèle de suite, on parle d'une fermeture", affirme ce dernier. "Mais, avant de parler d'une fermeture, il nous a encore confirmé hier qu'il y aurait au moins trois alternatives sur la table, plus un repreneur potentiel qui serait venu voir lundi dernier visiter l'entreprise".

"On y croit de moins en moins"

"On a de plus en plus difficile à y croire. On y croit même de moins en moins", ajoute tristement Pascal Debrulle. "Ils nous parlent d'alternatives. J'espère que ce n'est pas encore une solution pour calmer les gens, pour essayer de redémarrer la production".

La "solution" consisterait "d'envoyer plusieurs ouvriers et employés via les sociétés qui seraient intéressées. Et dans deux semaines, au prochain conseil d'entreprise, il est prévu de ne parler que de ça".

"Quelles sont ces alternatives ? De qui est-ce qu'on parle ? On parle de combien d'ouvriers : de 50, de 100, de 500 ?", se questionne le délégué syndical, avant d'ajouter : "Parce que s'ils viennent avec des possibilités pour 50 ou 100 personnes, on ne va sûrement pas accepter de discuter. Ce sera une prime pour tout le monde et rien d'autre".

On va se battre pour sauvegarder un maximum d'emplois

Malgré l'incertitude, le délégué syndical CNE Ludovic Pineur reste, lui, optimiste : "On va se battre pour sauvegarder un maximum d'emplois. La direction n'a pas précipité la clôture de la phase 1 de la loi Renault (qui régit les licenciements collectifs, NDLR), ce qui est un signe positif. Leur projet initial prévoyait le départ de 1.510 travailleurs le 31 octobre, mais on n'en a même pas parlé aujourd'hui. Tant que la phase 1 est en cours, ils ne peuvent pas licencier. Moins vite on clôture cette phase, plus longtemps les gens garderont leur salaire, et les chômeurs économiques ne seront pas mis dehors du jour au lendemain", a-t-il expliqué. 

Pour le délégué CNE, la situation dépasse largement le cadre d'Audi Brussels. "L'issue de cette crise dépendra fortement des décisions politiques, tant au niveau belge qu'allemand", analyse-t-il. "J'en appelle à la responsabilité des gouvernements pour préserver les emplois européens. Le gouvernement allemand, va-t-il sauvegarder les emplois de Volkswagen (après l'annonce d'une fermeture d'usines allemandes, NDLR)?", s'interroge-t-il, espérant une réaction forte des pouvoirs publics pour éviter une délocalisation massive hors d'Europe.

Départ du CEO d'Audi Bruxelles

Par ailleurs, la direction d'Audi Bruxelles a annoncé le départ de son CEO, Volker Germann, qui quittera ses fonctions le 15 septembre prochain. Son successeur, Thomas Bogus, prendra ses fonctions à cette date. L'arrivée du nouveau CEO, qui est un "manager de crise" a-t-on appris, n'est pas de bon augure pour le syndicaliste de la CNE vu le contexte actuel.

Après cette annonce, la reprise progressive de la production, prévue à partir de mercredi, sera en tout cas perturbée. Les syndicats n'excluent pas des mouvements de grogne spontanés. "Je n'y crois pas, les ouvriers n'accepteront pas de reprendre dans ces conditions-là", a estimé M. Debrulle.

Du côté des sous-traitants, également impactés par la situation et censés reprendre le travail dès demain/mercredi après une période de chômage économique, la colère gronde également. "La grogne risque d'être encore plus forte chez eux", prévient M. Pineur.  La direction envisage de reprendre avec deux équipes et une cadence de quinze voitures par heure cette semaine.

Une grande manifestation des travailleurs d'Audi Brussels est par ailleurs prévue le 16 septembre prochain dans la capitale. "Plusieurs délégués des syndicats allemands de Volkswagen pourraient se rendre à Bruxelles ce jour-là, pour protester après l'annonce de VW d'envisager, pour la première fois de son histoire, la fermeture d'usines en Allemagne", a indiqué M. Pineur. 

Brussels a annoncé, début juillet, son intention de procéder à une restructuration. La direction a expliqué qu'elle cesserait plus tôt que prévu la production du modèle Q8 e-tron, dernière voiture à être assemblée à Forest.

Le constructeur automobile allemand est aux prises avec une surcapacité et l'usine de Bruxelles - l'ancienne Volkswagen Forest - paie le prix de coûts de production plus élevés par rapport aux autres sites d'Audi. Jusqu'à 1.500 personnes pourraient perdre leur emploi cette année, suivies de 1.100 l'an prochain.

 

 

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