Partager:
Elle est la première au monde à obtenir un feu vert de l'Europe pour un insecticide: ProNeem, une TPE marseillaise de 15 salariés, a décroché le sésame de Bruxelles pour son élixir antiacarien 100% naturel.
Carrefour, BHV, La Redoute, Le Printemps, Le Bon Marché sont tous clients de la petite société nichée dans les quartiers nord de Marseille. Sur leurs oreillers et couettes, ces gros distributeurs ont collé la petite étiquette "ProNeem".
Le produit ProNeem se présente comme un "lait" dont les fabricants imprègnent leurs textiles de lit (couettes, oreillers...). Ce produit à base d'extrait de margousier - un arbre originaire d'Inde - agit comme un répulsif et biocide naturel que ProNeem travaille en utilisant la micro-encapsulation pour qu'il pénètre au mieux les fibres.
Un énorme marché "puisque 20% de la population française est allergique aux acariens et que jusqu'à ce nous arrivions sur le marché, on utilisait des pesticides pour les repousser", assure Nathalie Hagège, fondatrice de la start-up. "Les industriels de la literie utilisaient les mêmes produits que dans les produits ménagers et s'inquiétaient des conséquences sur la santé", raconte cette quadragénaire férue de produits naturels.
Cette chimiste, docteur en biologie moléculaire, travaillait encore à l'université sur un projet de plastique antimites quand le fabricant de couettes Dodo, en 2001, lui demande de plancher sur une alternative aux produits toxiques utilisés dans le secteur, qui soit hypoallergénique et sans risque pour la santé humaine.
Dans son petit laboratoire dont elle est alors la seule salariée, la jeune femme commence "des petits tests" comme elle dit modestement, avec l'extrait de margousier. "Je me suis dit que si ça marchait sur les pucerons, ça devait marcher sur les acariens", raconte-t-elle.
- T-shirts antimoustiques -
Elle dépose le brevet du ProNeem en 2003. Quand la Commission européenne impose que toutes les entreprises qui commercialisent des biocides soient contrôlées, "on s'est dit que soit on montait un dossier, soit on coulait".
Un énorme défi pour une TPE de 15 salariés. "Je crois que c'est ma candeur et ma méconnaissance des arcanes de ces dossiers qui m'a poussée à y aller!", explique Mme Hagège, "mais j'étais aussi convaincue que notre rigueur scientifique allait payer".
Lauréate femme cheffe d'entreprise en 2017, Nathalie Hagège est membre du conseil d'administration France Chimie.
En 2018, après cinq ans de travail acharné, ProNeem décroche l'autorisation de mise sur le marché européen. Une première pour une TPE et pour un insecticide.
"Ça nous permet non seulement de commercialiser partout en Europe mais aussi de rayonner en Chine où on a de plus en plus de clients", constate Mme Hagège qui espère aussi conquérir le marché américain.
Contactée par l'AFP, Madeleine Epstein, du syndicat français des allergologues, concède que "le concept est séduisant, et il y a des preuves d’innocuité et d'efficacité in vitro", mais "qu'est-ce que cela apporte par rapport à une barrière mécanique comme une housse d'oreiller antiacarien, au tissage tellement serré qu'ils les empêche de passer ?", demande-t-elle.
"Avec une alaise barrière par exemple, les acariens ne vont pas pénétrer le matelas mais ils vont continuer à se développer à la surface", répond Mme Hagège.
En Europe, ProNeem est aujourd'hui "quasiment en situation de monopole" et a connu en 2018 une croissance de 20%. La société qui consacre 22% de son chiffre d'affaires à la R&D (recherche et développement), développe aussi une vingtaine d'autres produits pour des "textiles intelligents" comme des t-shirts antimoustiques, des chaussettes rafraîchissantes... Elle annonce déjà pour les mois à venir un traitement de literie anti-allergies aux pollens et des armes contre les punaises de lit.