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La voiture électrique, sans conteste, va s'inscrire dans le futur de la mobilité, qui vit une petite révolution avec l'inévitable déclin des moteurs thermiques, l'arrivée d'acteurs inattendus comme Uber, l'éclosion des vélos ou trottinettes électriques.
Certes, tout n'est pas rose au niveau des batteries qui remplacent l'essence et le diesel. Les produire coûte cher et consomme pas mal d'énergie ; et elles sont composées de métaux précieux qu'il faut extraire puis recycler le mieux possible.
Mais comme souvent, quand les enjeux économiques sont importants, des milliers d'ingénieurs, dans des entreprises privées (tous les constructeurs automobiles) ou dans des laboratoires d'université, cherchent des solutions.
Tout le monde s'y met, mais Volvo a une approche intéressante
Vous n'êtes pas sans savoir que la voiture électrique, si elle a mis du temps à convaincre les grands groupes, est désormais au cœur de la stratégie de tous les constructeurs. De Dacia à Porsche, tout le monde s'y met. Si ça vous intéresse, on a déjà parlé de la Renault Zoé, de la Mercedes EQC et de l'Audi e-tron.
Notre regard est cependant attiré depuis quelques temps par Polestar. Ce nom est issu du nord de l'Europe, et c'est Volvo qui se cache derrière. A l'origine, Polestar est le nom d'un préparateur officiel qui muscle les Volvo, comme AMG chez Mercedes ou Motorsport chez BMW. Acquis à 100% par Volvo en 2015, Polestar devient le nom du projet électrique de la marque, qui nait en 2017 (la Polestar 1 est un coupé hybride), mais qui est devenu adulte en 2020 avec la Polestar 2.
"On est une start-up avec 90 ans d'expérience ! Nous sommes clairement une entreprise suédoise, le siège de Polestar est à Göteborg, à côté de celui de Volvo", nous a expliqué Lies Eeckman, directrice de la filiale belge. La voiture est cependant fabriquée en Chine, à Luqiao, car la maison-mère de Volvo (Geely), active à 50% dans Polestar, y a d'immenses usines ultramodernes où sont produites une partie des voitures du groupes (dont les Volvo et Polestar). Il faut donc leur faire traverser la moitié du globe en bateau...
Réservées pour l'Europe, les premières Polestar 2 ont débarqué cet été à... Zeebruges (©Polestar)
Une Tesla scandinave ? "Un honneur"
Et c'est vrai que Polestar fait penser à une start-up: "On part d'une page blanche au niveau design, expérience utilisateur, approche et business model". Cette voiture est arrivée sur le marché belge cet été avec un concept très proche de Tesla: quelques Polestar Spaces très luxueux, sorte de showroom où l'on peut obtenir des infos, voir et réserver un essai ; un site web comme unique moyen d'achat ; des entretiens effectués dans quelques concessions Volvo sélectionnées, équipées et partenaires du projet Polestar en Belgique (mais on vient chercher votre voiture sur place et on vous la ramène).
Ça fait effectivement bien penser à Tesla. "On ne s'en soucie pas beaucoup de cette comparaison, mais c'est plutôt un honneur: on doit reconnaître que Tesla a bouleversé le monde de l'automobile et a ouvert le marché électrique".
Mais Polestar ajoute un joli discours marketing de transformation du monde: "On veut surtout accroître le mouvement vers la mobilité durable, donc nos concurrents, ce sont les marques avec des moteurs traditionnels, et pas Tesla. On veut inspirer et éduquer les consommateurs".
Les Polestar Spaces, de très chères vitrines
Quoi qu'il en soit, direction le Quai des Péniches, à Bruxelles, pour aller chercher la Polestar 2. Ce Polestar Space est dans une zone de la capitale qui est en pleine transformation, celle située le long du canal à hauteur de la gare de Nord. Une large passerelle piétonne en bois enjambera bientôt le canal, le cadre est assurément moderne.
Dans un décor brut et épuré, très scandinave, quelques Polestar sont présentées, dont la 1 qui sera vendue à 500 exemplaires (tous réservés, m'a-t-on dit) en Belgique. "Ici, on vous montre, on vous explique mais on ne vous vend rien", me dit l'employé. De larges bureaux permettant de choisir les couleurs, des pièces réelles de la voiture cachées dans un mur de placards, des écrans tactiles géants: Polestar en met plein la vue. "Actuellement, beaucoup de gens viennent chercher des voitures le samedi pour des essais". Et après, s'ils sont convaincus, ils doivent aller sur le site de Polestar pour commander et payer l'acompte.
Très agréables, ces espaces luxueux (trois en Belgique) sont de très chères vitrines pour Polestar. Ils sont financés par les gros concessionnaires Volvo du pays ("des investisseurs" selon Lies Eeckman), et doivent respecter à la lettre le cahier des charges imposé par la Suède. Et vous l'imaginez, tout ça se répercute à un moment sur le prix de la voiture.
La Polestar 2 coûte 60.000€, pourquoi commencer par une telle voiture ?
Le prix, justement, reste relativement élevé. 59.800 euros, même si c'est du full options, c'est une belle somme. On peut simplement ajouter du cuir (4.500 euros), un pack performance avec des roues, amortisseurs et freins de luxe (6.000 euros) ou un attache-remorque (1.100 euros). On est loin des 117.000 euros de l'Audi e-tron bien équipée du mois passé, mais on reste dans une catégorie de prix qui n'est clairement pas à la portée de tout le monde.
Alors, quand on veut encourager le monde à transiter vers une mobilité plus durable, pourquoi commencer avec une voiture à 60.000€ ? "On est accessible, mais dans une catégorie premium. Et au niveau du leasing pour les professionnels, avec 645€ HTVA par mois, on est très bien positionné car on a un coût total d'utilisation plus bas. On se situe au niveau de BMW ou Mercedes", se défend Lies Eeckman, la patronne belge. Et soyons clair, en Belgique à l'heure actuelle, "il n'y a pas encore beaucoup de particuliers qui se dirigent vers le 100% électrique".
Si la Polestar est une jolie berline et non une citadine, c'est parce que "on est né de la marque Volvo, d'un concept car de Volvo (le Concept Coupé de 2013). Quand Volvo a eu cette vision de transformation du secteur, on a utilisé ce concept, en combinaison avec la marque Polestar qu'on avait rachetée. La Polestar 2 est le début de notre voyage 100% électrique".
Un voyage qui s'oriente vers encore plus de luxe, car Polestar a confirmé la mise en production d'une somptueuse berline, la Precept, rivale de l'imposante Tesla Model S. "On ne va pas évoluer vers le mainstream, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de modèle Polestar 2 plus accessible un jour", sans doute avec une batterie moins performante.
420 km d'autonomie environ
La Polestar 2 se définit comme une "bicorps électrique sophistiquée". Une jolie manière de dire que c'est une voiture de type berline de taille moyenne (format BMW Serie 3, Audi A4, etc), qui est effectivement 100% électrique (il y a 78 kWh de batterie et une puissance disponible de 300 kW équivalant à 408 chevaux) et qui est un concentré de technologies (tout a été conçu d'une feuille blanche pour la Polestar, jusque l'ordinateur de bord avec Google intégré, voir plus bas).
C'est une vraie et pure voiture électrique, entièrement neuve, qui n'est pas une Volvo dont on aurait retiré le moteur pour mettre des batteries. Il y a deux moteurs (un par essieu) et un gros tapis de batteries, qui permettent des démarrages de grandes sportives (ce n'est pas le but, mais le 0-100 km/h se fait en 4,7 secondes).
L'autonomie, nerf de la guerre, est de 470 km selon les normes WLTP. Mais à 100%, mon modèle de test affichait plutôt 420 km, même après une semaine de conduite très douce. Beaucoup de facteurs (température, revêtement, style de conduite, électronique, etc) expliquent cette différence. Ma consommation m'a un peu déçu: 21,7 kWh en allant principalement sur le Ring de Bruxelles (environ 100 km/h) et un peu en ville. C'est plus que l'Audi e-tron (20 kWh) mais moins que la Mercedes (29 kWh), tandis que la Polestar 2 est plus légère de quelques centaines de kilos… Je m'attendais à mieux.
La charge peut être très rapide sur les bornes 150 kW (mais elles sont rares et chères en Belgique): 40 minutes pour le 0 à 80%. Chez vous, comptez entre 40h et 8h selon votre installation. Si vous trouvez des bornes de 50 kW, plus nombreuses, vous pouvez retrouver 100% d'autonomie en environ 2h.
Une voiture Google
La conduite monopédale est activée par défaut. C'est-à-dire que vous freinez en relâchant plus ou moins rapidement l'accélérateur. C'est une question d'habitude, mais c'est diablement efficace: je n'ai jamais touché le frein durant ma semaine de test, ce qui accentue la récupération d'énergie (recharge passive de la batterie) et diminue l'usure et le rejet de particules des freins. Au final, elle est très agréable à conduire, très souple.
La finition est bonne, sans atteindre celle de l'Audi e-tron ou de la Mercedes EQC. Le look intérieur et extérieur est très typé, très moderne, et selon moi très réussi.
La bonne surprise se cache dans l'ordinateur de bord qui reprend strictement tous les éléments de design de Polestar (police de caractère, couleur, forme des éléments, etc).
Au niveau logiciel, on est gâté, car un expert s'est joint à la fête. "Google s'est mis autour de la table avec nous, on est la première voiture Google" qui intègre tout ce que le géant américain du web a de meilleur. Grâce à la connectivité permanente de la voiture (3 ans de data illimitée via la carte SIM intégrée), tout est personnalisé avec votre compte (agenda, contact, trajets, mais aussi position du siège, température, etc), il y a une excellente navigation (Google Maps) avec un vrai calcul du trafic, et surtout le meilleur assistant vocal du marché (Google Assistant).
Preuve que Google a été intégré: quand on définit un trajet, Maps prend en compte l'état de la batterie. L'écran indique l'autonomie restante à l'arrivée (voir photo ci-dessous) et si elle n'est pas suffisante, Maps proposera des points de recharge rapides sur l'itinéraire.
Le grand écran central est réactif et il y a un tas de caméras qui affichent ou simulent l'entourage de la voiture dès qu'elle détecte une manœuvre ou un objet à proximité. Derrière le volant, on a un second écran tout aussi réussi en termes de design et de fonctionnalités.
Tesla a le pilotage automatique, Polestar a d'autres priorités
Vient l'heure de la comparaison à la concurrence. Et quand on pense à une berline 100% électrique et 100% originale, on pense à Tesla, inévitablement. La Model 3 en Belgique coûte 48.800€ prix de base, avec autonomie WLTP de 409 km (donc 61 de moins que la Polestar). Même en ajoutant d'étranges "frais de dossier et de mise en service" de 980€, on reste sous la barre des 50.000€.
Mais si on ajoute l'option Pilotage automatique (7.500€) développée par Tesla, on dote la Model 3 d'une technologie très poussée, sans doute la meilleure actuellement, d'assistance active à la conduite. La voiture peut changer de bande et prendre des échangeurs sur autoroute, se garer toute seule, sortir de son emplacement en étant pilotée par une application, etc. Mais surtout, d'autres fonctions plus poussées sont en cours de développement et seront bientôt ajoutées via des mises-à-jour. Elon Musk promet un vrai pilotage automatique depuis des années: on l'attend toujours, et il faudra que l'Europe harmonise sa législation pour qu'on puisse retirer les mains du volant. Mais ça semble possible…
Donc pour 57.280€, on a une Model 3 très intelligente, avec une autonomie un peu inférieure à la Polestar qui coûte 59.800€. Ça va être dur de rivaliser avec l'icône des voitures électriques qui bénéficie, qui plus est, de son propre réseau de charge très rapide dans toute l'Europe.
D'ailleurs, où en est Polestar sur le terrain de la voiture autonome ? "Ce n'est pas notre priorité. C'est vrai que beaucoup de constructeurs parlent des voitures ACES, donc 'Automated, Connected, Electrified and Shared'. C'est l'idée que la voiture du futur sera autonome, connectée, électrique et partagée. Nous on pense qu'il faut d'abord se concentrer sur le E de électrique, car on veut avant tout être une solution pour les problèmes environnementaux et climatiques. Tout le monde devrait commencer avec ça. Ensuite il y a le C de connectée, on est déjà bien là avec l'intégration de Google. Pour le côté 'voiture autonome et partagée', la problématique est complexe, il y a encore beaucoup de choses à régler, notamment au niveau réglementaire, avant d'avoir des voitures sans chauffeur qui circulent et communiquent. Au niveau technique, l'industrie semble bien avancée, mais ça représente un coût très important, des millions ou milliards d'euros dans le développement".
Assez concret et prudent, Polestar va donc attendre de voir comment ça évolue. "On croit très fort aux partenariats, aux technologies ouvertes et compatibles". Si la voiture autonome (et partagée) arrive à maturité, "on travaillera avec les meilleurs experts".
Le Polestar Space de Bruxelles :
La Polestar 2 à l'intérieur :
La Polestar 2 de l'extérieur: