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C'est LA saga de ces dernières années: Huawei a été pris en grippe par l'administration Trump qui, évoquant des soupçons d'espionnage industriel et militaire de la part du géant des télécoms chinois, a interdit aux entreprises américaines de collaborer avec lui, et a fait pression sur les gouvernements du monde entier pour qu'ils écartent Huawei de leurs réseaux mobiles (3/4/5G).
Durant plusieurs mois, les autorités européennes et belges ont hésité. Pour ne pas froisser ouvertement la Chine (en bannissant Huawei et son concurrent ZTE), elles ont simplement imposé aux opérateurs de "ne pas travailler avec les entreprises à haut risque".
Ce vendredi matin, Orange et Proximus ont annoncé leur choix: sans doute pour éviter des freins administratifs et des contrôles, ils cesseront de travailler avec Huawei (ce qu'ils faisaient pourtant depuis des années), et opteront pour les infrastructures de réseau mobile de Nokia et Ericsson, deux fleurons européens.
Officiellement, Orange évoque "un processus comparatif approfondi, fondé sur des critères technologiques, opérationnels et financiers". Même discours du côté de Proximus, mais on sait que les opérateurs collaborent depuis peu sur le déploiement matériel d'une partie des infrastructures: "Nokia et Ericsson ont été sélectionnées à l'issue d'une procédure de sélection extrêmement concurrentielle, sur la base de critères technologiques, opérationnels, financiers et environnementaux".
La 5G en retard ?
D'après nos informations, cette décision pourrait avoir des conséquences sur le déploiement de la 5G dans nos régions. Effectivement, Huawei, leader mondial, avait acquis une sérieuse avance, grâce à des moyens financiers et humains largement supérieurs à ses concurrents européens. Il était réputé plus abordable, également.
De plus, Ericsson et Nokia n'avaient pas prévu de fournir la moitié du globe en équipement 5G: la commercialisation de la 5G se calcule sur une dizaine d'années, s'anticipe. Les délais de livraison et d'installation posent donc question.
Pour la division réseau de Huawei, c'est évidemment un coup dur. Les contrats signés par Proximus et Orange s'étalent traditionnellement sur 10 ans et représentent quelques centaines de millions d'euros.
Répliques chinoises ?
Si c'est une bonne nouvelle pour l'économie européenne, cela présage d'inévitables répliques de la part de la Chine, dans les mois et années à venir: le protectionnisme américain (avoué) et européen (timide) devrait avoir des conséquences sur les relations commerciales.
En effet, une économie mondialisée repose sur certaines règles, parmi lesquelles le libre-échange (la liberté d'importer et d'exporter des biens et des services). Si une des parties décide d'enfreindre ces règles, elle bouleverse l'équilibre, et fait perdre de l'argent aux autres parties.
Pour simplifier: la Chine pourrait interdire ou taxer lourdement l'importation de bières et de chocolats belges. On n'en est pas encore là, car la Chine se suffit d'elle-même et du reste du monde (en dehors de l'Europe et des Etats-Unis) pour continuer son développement économique et technologique. Mais symboliquement, Pékin pourrait riposter.