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Le gouvernement haïtien a vivement condamné vendredi la "brutalité inqualifiable" de l'attaque menée par un gang la veille dans une petite ville et ayant fait au moins 70 morts, dont des femmes et des enfants, selon l'ONU.
Des membres d'une bande armée ont attaqué jeudi Pont Sondé, une localité située à environ 100 km au nord-ouest de la capitale Port-au-Prince, tirant sur les habitants et brûlant des dizaines de maisons et de véhicules.
"Des membres du gang +Gran Grif+, armés de fusils automatiques, ont tiré sur la population, tuant au moins 70 personnes, dont environ 10 femmes et trois nourrissons", a indiqué vendredi le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme dans un communiqué, se disant "horrifié".
Selon l'ONU, les membres du gang "auraient incendié au moins 45 maisons et 34 véhicules", forçant des habitants à fuir.
Cette "attaque d'une brutalité inqualifiable" a été menée "dès 3H00" du matin et a visé des "civils innocents", a précisé le gouvernement haïtien dans un communiqué sur X.
Il a annoncé avoir envoyé des renforts sur place, dont des unités spécialisées dans la lutte contre les gangs et soutenues par la force multinationale de police, menée par le Kenya.
"D'autres unités spécialisées s'apprêtent à être déployées à partir de Port-au-Prince", précise le communiqué.
- "Lâcheté la plus absolue" -
"Aujourd'hui, une fois de plus, une fois de trop, nous faisons face à la lâcheté la plus absolue", a condamné le Premier ministre haïtien Garry Conille, fustigeant "un crime odieux" perpétré "contre toute la nation haïtienne".
Petit pays pauvre des Caraïbes, Haïti est ravagé depuis des années par la violence des gangs, couplée à une grave crise humanitaire, économique et politique.
Au moins 3.661 personnes ont été tuées depuis janvier dans le pays en raison des violences, a indiqué le Haut-Commissariat de l'ONU la semaine dernière.
Le chef du gang "Gran Grif" (Grande Griffe), Luckson Elan, est visé depuis septembre par des sanctions américaines pour son implication dans de graves violations des droits de l'homme.
Selon Bertide Horace, porte-parole d'une structure associative locale, M. Elan avait menacé de s'en prendre aux riverains de Pont Sondé en raison d'un conflit autour de la route reliant la capitale Port-au-Prince à Cap-Haïtien.
Cette tuerie fait "suite au refus de certains chauffeurs de Pont Sondé de payer au gang de l'argent réclamé à un poste de péage qu'il a installé sur la nationale", a-t-elle assuré lors d'une interview sur la radio locale Magik 9.
"Les bandits ont envahi la localité et ont exécuté des dizaines de résidents. La quasi totalité des victimes ont été tuées d'une balle à la tête", a-t-elle raconté, accusant les "policiers cantonnés tout près" et "apparemment en sous effectif" de n'avoir "opposé aucune résistance aux malfrats".
L'attaque a également fait au moins 16 blessés graves, selon l'ONU, dont deux membres du gang touchés lors d'un échange de tirs avec la police haïtienne.
- Vague de violences -
Ce drame survient au moment où la mission multinationale de police, censée épauler les policiers haïtiens dans leur lutte contre les gangs armés, peine à produire des résultats concrets, faute de moyens suffisants.
Le Haut-Commissariat de l'ONU a appelé "à une augmentation de l'aide financière et logistique internationale" à cette force, composée pour l'essentiel de policier kényans.
"Il est également essentiel que les autorités mènent une enquête rapide et approfondie sur cette attaque, qu'elles poursuivent les présumés responsables en justice, et qu'elles garantissent des réparations aux victimes et à leurs familles", a encore plaidé le Haut-Commissariat.
Un souhait qui risque fort de rester lettre morte, au regard de la fragilité des institutions du pays.
La vague de violence et une situation humanitaire catastrophique ont forcé plus de 700.000 personnes, pour moitié des enfants, à fuir leur domicile pour trouver refuge ailleurs dans le pays, selon les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) publiés mercredi.
Les trois quarts environ de ces personnes déplacées internes sont désormais hébergées dans les provinces du pays, la région du Grand Sud en accueillant à elle seule 45%, selon l'agence onusienne.