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Le visage solennel, Alisdaire Le Bugle s'entraîne à lever puis abaisser le drapeau de la British Legion Normandy devant Pegasus Bridge: jeudi, il participera à la cérémonie, devant le roi Charles III, en hommage aux commandos britanniques qui ont libéré ce célèbre pont le 6 juin 1944.
"Être porte-drapeau 80 ans après, c'est rendre hommage à mon arrière-grand-père Maurice (...) il était parti à Londres pendant la guerre et le 6 juin, il était sur ce pont", raconte à l'AFP ce Français de 42 ans.
Jeudi, il portera l'étendard à la cérémonie britannique de Ver-sur-Mer honorant la mémoire des soldats du Royaume-Uni tombés le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie, en présence du roi Charles III et de la reine Camilla.
"J'ai le trac, un peu comme un acteur qui va monter sur scène. Faut pas se rater, il y a +the boss of the boss+", confie ce grand gaillard roux aux origines écossaises, qui a passé 13 ans dans l'armée française.
Les gestes effectués sont une sorte de "chorégraphie" qui varie selon le pays, explique celui qui a aussi été porte-drapeau français.
Ainsi, quand l'étendard français -plus léger que le britannique- est baissé en diagonale, celui du Royaume-Uni doit tomber par terre... même si le sol est boueux.
"Ca m'est arrivé de relever un drapeau trempé et de me prendre de la boue sur le visage. On rentre chez nous, on met le drapeau à la machine et on prie pour qu'il soit sec avant la cérémonie du lendemain!"
- "Penser aux gars" -
Les cérémonies durent souvent "entre 15 et 30 minutes", mais elles peuvent parfois s'étendre pendant deux heures.
"Dans ces moments-là, faut pouvoir tenir. Il y a des techniques: je garde les genoux flexibles, les épaules décontractées pour ne pas avoir mal au dos", dit-il.
Canicule, pluie, coup de bourrasque: Alisdaire Le Bugle "ne sera jamais un de ces porte-drapeaux qui s'effondrent pendant la cérémonie", promet-il.
"Même si parfois c'est dur, je ne me plains pas. Je pense aux gars qui sont tombés, je pense à ce qu'ils ont vécu et à ceux qui sont morts", confie l'ancien militaire, le visage soudain solennel.
"J'espère aider à ce que leur souvenir ne s'efface pas."
- "Une passion" -
Une touriste s'approche, téléphone à la main: elle voudrait poser avec son mari avec le porte-drapeau qui, le rire communicatif, se prête volontiers à la séance-photo.
Honorer la mémoire des soldats tombés et des vétérans, est "un devoir mais aussi une passion", affirme le Britannique Rodney Curtis, 82 ans, en couvant du regard son successeur.
Lui a dû arrêter il y a peu: après 22 ans comme porte-drapeau des branches françaises et normandes de la Royal British Legion -un organisme promouvant la mémoire des vétérans britanniques et les soutenant financièrement-, il "commençait à avoir mal aux épaules" et a dû "passer le relais", explique-t-il.
Quarante ans les séparent, et pourtant, le geste reste le même: Alisdaire et Rodney lèvent puis abaissent le drapeau de la British Legion Normandy, sous le regard impressionné de dizaines de touristes et militaires.
Si les bras tremblent, la voix, par contre, tonne toujours autant: Alisdaire Le Bugle se met au garde à vous tandis que son aîné lance soudain des ordres et enchaîne la chorégraphie du porté de drapeau.
Mais le tissu de l'étendard se plisse en tombant au sol et Rodney Curtis s'avance pour le remettre droit.
"Heureusement qu'il y a la répétition de la cérémonie (de Ver-sur-Mer, NDLR) demain", souffle Alisdaire, la mine contrite.
Les touristes et militaires qui les admirent n'y ont vu que du feu.
"Le spectacle est terminé", lance Rodney et la petite foule se disperse sur l'ancien champ de bataille, devenue une pelouse verdoyante.