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En réponse à une mobilisation d'étudiants propalestiniens faisant écho aux contestations agitant de prestigieux campus américains, la direction de Sciences Po Paris s'est engagée vendredi soir à organiser un débat interne et à suspendre des procédures disciplinaires lancées contre des manifestants.
"Compte tenu de ces décisions, les étudiants se sont engagés à ne plus perturber les cours, les examens ainsi que toutes les activités de l'institution", a écrit Jean Bassères, administrateur provisoire, dans un message diffusé au terme d'une journée de tensions devant le prestigieux établissement, sous la surveillance des forces de l'ordre.
En ce vendredi soir marquant la fin des cours et le début des révisions pour les examens pour la majorité des élèves, son message a été accueilli avec satisfaction par les dizaines de manifestants encore rassemblés à 21H30 devant l'établissement - des étudiants, militants ou sympathisants du comité Palestine de Sciences Po mobilisés depuis quelques jours dans et en dehors des locaux historiques de l'école - a constaté une journaliste de l'AFP.
Cinq députés LFI étaient aussi présents, écharpe tricolore visible, alors que les forces de l'ordre avaient annoncé une intervention imminente.
Après l'annonce de la direction, tous ont évacué les lieux dans le calme. Plus de 200 manifestants étaient déjà partis plus tôt, après des sommations de la part des forces de l'ordre.
Après plusieurs heures de discussions avec les manifestants, la direction s'est engagée à organiser d'ici à jeudi prochain un débat interne "ouvert à toutes les communautés de Sciences Po".
- "Toutes les questions posées" -
"Toutes les questions pourront être posées", assure-t-elle, et notamment celles liées aux revendications des manifestants, comme la question des "partenariats de l’école avec les universités et organisations soutenant l’Etat d’Israël".
"Depuis le début, l'administration a refusé de nous rencontrer dans notre totalité. (...) Le fait que l'ensemble des professeurs et des étudiants seront présents, cela veut dire que Sciences Po sera tenu de répondre aux questions", a indiqué à l'AFP Hicham, membre du Comité Palestine.
"Nos demandes ont été obtenues et on espère que les autres facs vont faire la même chose en France", a-t-il ajouté, confirmant qu'aucune nouvelle occupation n'était "prévue pour le moment".
La direction annonce également "la suspension des saisines de la section disciplinaire engagées depuis le 17 avril".
Accès de l'école bloqué, sit-in dans la rue, occupation des locaux et face à face tendu avec des manifestants pro-Israël: la journée a été émaillée de tensions, après que des manifestants avaient déjà passé la nuit dans le bâtiment historique de l'école et que d'autres avaient installé mercredi soir une dizaine de tentes dans la cour d'un autre bâtiment avant que la police n'intervienne.
Vendredi, la tension est particulièrement montée dans l'après-midi avec l'arrivée d'une cinquantaine de manifestants pro-Israël criant notamment "Libérez Sciences po" ou "Libérez Gaza du Hamas". Après une bousculade entre les deux camps, les forces de l'ordre se sont positionnées pour les séparer, sans violence, puis exfiltrer les manifestants pro-Israël.
- "Le débat, oui" -
Les étudiants ont reçu vendredi le soutien de plusieurs figures de LFI, dont la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate sur la liste "insoumise" pour les élections européennes.
Ils portent "l'honneur de la France", a déclaré à la presse Mme Hassan, reprenant les propos du leader insoumis Jean-Luc Mélenchon qui a adressé un message audio aux manifestants.
"Le débat, oui. Le blocage, non", a déploré sur BFMTV la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau qui a tiré à boulets rouges sur le "jeu dangereux" attribué à LFI dans la mobilisation à des "fins électorales".
"Qu’on fasse preuve de solidarité à l'égard des Palestiniens, qu’on montre le rejet des crimes qui sont commis à Gaza, c'est naturel", a jugé Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti socialiste et de Place publique aux européennes, sur BFMTV.
"Après (...), est-ce qu'on est capable d'organiser des discussions avec ceux qui ne partagent pas le point de vue? Et jusqu'ici (...), ce n'est pas le cas", a-t-il complété.
Pour le président du Conseil représentatif des institutions juives de France Yonathan Arfi, qui s'exprimait sur LCI, "il n'y a rien de massif" mais "ça fonctionne, ça prend en otage le campus entier, ça empêche la liberté académique et fait peser un climat de terreur intellectuelle sur une partie des étudiants juifs".
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