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Le scientifique français Pierre Agostini, lauréat du prix Nobel de physique 2023, "regrette" d'avoir été contraint de prendre sa retraite en France il y a une vingtaine d'années, alors qu'il était "encore plein d'énergie", et de partir aux Etats-Unis pour continuer à travailler.
Ce spécialiste de la science attoseconde - un milliardième de milliardième de seconde - a été plus que surpris de se voir attribuer mardi la plus prestigieuse des récompenses, aux côtés de la Franco-Suédoise Anne L'Huillier et de l'Austro-Hongrois Ferenc Krausz.
"Je l'ai appris par ma fille", a raconté jeudi Pierre Agostini, 82 ans, revenu vivre en France. Peu après l'annonce du Nobel à Stockholm, mardi à la mi-journée, "elle m'a téléphoné pour me demander si c'était vrai que je l'avais reçu !"
"D'abord ça a été la surprise, je n'y croyais pas beaucoup. J'ai fini par y croire quand un membre du comité Nobel m'a téléphoné dans l'après-midi", a raconté le scientifique aux faux air d'Einstein, en jean, basket et t-shirt du télescope spatial James Webb, lors d'un entretien avec l'AFP dans son appartement parisien.
Ce que son Nobel va changer ? "Ca va me faire beaucoup de voyages dans l'année qui vient", répond-il modestement. "Il va déjà falloir que j'aille à Stockholm pour la cérémonie de remise en décembre, et peut-être même avant, fêter ça dans l'Ohio".
C'est en effet aux Etats-Unis que le physicien a terminé sa carrière, en tant que professeur au département de physique de l'Université d'Etat de l'Ohio.
Mais il a fait l'essentiel de sa carrière en France, au CEA (Commissariat à l'énergie atomique). C'est là qu'il réalise, en 2002, une expérience décisive pour sonder la dynamique ultra-rapide des électrons.
A cette époque, il n'est pas tenté de partir aux Etats-Unis puisque c'est l'Europe qui était "au centre de cette recherche".
- "Mal au coeur de partir" -
Mais à 61 ans, il est mis à la retraite. "Si on avait assez d'années de cotisations, on partait, certes avec une prime, mais on partait quand même. J'ai reçu une lettre me disant +merci et au revoir+". On n'avait pas le choix à l'époque - maintenant on peut rester jusqu'à 70 ans".
"Je l'ai beaucoup regretté parce que j'étais encore plein d'énergie. J'avais tout ce qu'il fallait en France, un accès à du matériel et des expériences de pointe.... Ca me faisait mal au coeur de devoir partir".
Il tente d'entrer au CNRS, y travaille quelques mois, mais s'arrête vite au vu des "difficultés administratives". Il quitte alors la France et part "rouler sa bosse" à l'Université Laval au Québec, aux Pays-Bas, en Allemagne...
Et finit par trouver, en 2005, un poste à l'Université de l'Ohio grâce à un "copain professeur". "Là-bas, les choses ont été très faciles, il n'y avait aucun problème administratif. Ils se sont débrouillés pour avoir une carte verte... je leur suis très reconnaissant".
Pierre Agostini y enseigne pendant une douzaine d'années, avant de prendre sa retraite en 2017 et de rentrer en France. Mais en tant que professeur émérite, il a toujours son bureau dans l'Ohio, et continue à y suivre les travaux des étudiants.
Il espère que son Nobel va "motiver les étudiants" et booster la recherche pour que sa spécialité, la science ultra-rapide, débouche sur des applications, notamment dans la médecine.
Le Graal ? Faire encore plus court que l'attoseconde (10 puissance -18 secondes). "La limite absolue étant 10 puissance -43, l'inverse de l'énergie totale de l'Univers".