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"Nous voulons garder nos terres, nous voulons garder nos tombes", lance, déterminée, Lena Ghardachian, une Arménienne de 96 ans. Comme d'autres habitants de cette zone frontalière de l'Azerbaïdjan, elle manifeste contre la cession de villages à Bakou.
Le gouvernement arménien, en quête d'un accord de paix qui mettrait fin à des décennies de différends territoriaux avec les autorités azerbaïdjanaises, a approuvé ces concessions mais la population ne compte pas se laisser faire.
"Nous n'abandonnerons pas même un centimètre", assure à l'AFP Lena Ghardachian. "Nous verserons du sang mais nous n'abandonnerons pas".
Des dizaines de manifestants ont installé des tentes le long d'une route près du village arménien de Kirants, dans une région montagneuse à quelques kilomètres de l'Azerbaïdjan.
L'Arménie a accepté de remettre à son voisin quatre villages saisis par les forces d'Erevan pendant une guerre dans les années 1990, ce qui avait contraint leurs habitants azerbaïdjanais à fuir.
Ces deux anciennes républiques soviétiques du Caucase se sont livré une deuxième guerre en 2020, cette fois remportée par l'Azerbaïdjan.
Puis, en septembre 2023, Bakou a déclenché une offensive éclair qui a contraint les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh à capituler en quelques jours et pris le contrôle de l'ensemble de ce territoire qui lui échappait depuis une trentaine d'années.
- "Jusqu'au bout" -
Depuis, les deux pays tentent de parvenir à un accord de paix. Dans ce cadre, ils ont commencé à délimiter leur frontière cette semaine, provoquant une nouvelle vague de manifestations dans plusieurs régions d'Arménie, dont la capitale Erevan.
Les habitants des zones proches de celle vouées à être cédées craignent d'être coupés de du reste de l'Arménie et accusent leur Premier ministre Nikol Pachinian de sacrifier des territoires sans garantie d'obtenir quelque chose en retour.
"Quel est le but de ces échanges de terres, que les (Azerbaïdjanais) puissent arriver plus facilement", s'interroge Nelli Tamazian, une cuisinière de 55 ans vivant dans la ville frontalière de Baghanis.
Épouse d'un ancien combattant, son fils a lui aussi fait la guerre, en 2020. "Pourquoi avons-nous fait tant de sacrifices ?", lance-t-elle. "Nous devons obtenir quelque chose en retour pour tout ce que nous cédons".
Cette région frontalière a aussi un intérêt stratégique pour l'Arménie, en raison notamment du passage de l'axe routier avec la Géorgie et d'un gazoduc russe.
"Les gens savent que les solutions proposées par les autorités aujourd'hui constituent une menace sérieuse pour la vie quotidienne et l'existence" de la population locale, dit Hovik Beranian, un manifestant de 31 ans.
Cette semaine, ils ont bloqué des axes routiers, à commencer par celui reliant l'Arménie à la Géorgie, un lien majeur avec le monde extérieur.
- "Éviter une guerre" -
"On se bat en particulier pour nos terre et notre eau, on veut que notre territoire reste comme il est", maintient Eghich Maghsoudian, 46 ans. Il est originaire de Voskepar, un village qui se retrouverait isolé du reste du pays, selon les manifestants.
M. Pachinian a insisté sur la nécessité de régler les différends frontaliers afin d'"éviter une nouvelle guerre".
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a assuré mardi qu'un accord de paix avec l'Arménie était "plus proche que jamais".
Mais les craintes d'une nouveau conflit restent bien présentes, alimentées par les incidents armés réguliers entre des soldats à leur frontière commune.
Chaliko Ieghiazarian, un autre manifestant de 44 ans, promet que la population se battra "jusqu'au bout".
"Chaque centimètre de notre terre historique nous appartient", dit-il. "Le principe reste le même qu'auparavant : pas un pas en arrière".