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"Le Mexique ne s'écrit plus avec le M de machisme", avait lancé il y a un an Claudia Sheinbaum, élue dimanche première présidente dans l'histoire d'un pays où neuf à dix femmes sont tuées chaque jour selon l'ONU.
Mme Sheibaum est désormais attendue par les Mexicaines sur le terrain de la lutte contre les violences envers les femmes.
Pendant sa campagne, l'ex-maire de Mexico a rappelé qu'il y a à peine 20 ans, un autre président, Vicente Fox (droite, 2000-2006) avait traité les femmes de "machines à laver sur pattes".
"Jamais plus" on ne dira aux Mexicaines "tu es encore plus belle quand tu te tais!", a promis Claudia Sheinbaum.
La scientifique âgée de 61 ans prendra le 1er octobre le relais de son mentor en politique, le président de gauche sortant Andres Manuel Lopez Obrador.
M. Lopez Obrador a entretenu des relations tendues avec les féministes sur la question de l'avortement, finalement dépénalisée par la Cour suprême et non par son gouvernement.
Avant l'élection de Mme Sheinbaum, d'autres femmes occupaient déjà au Mexique des hautes responsabilités comme la gouverneure de la Banque centrale, Victoria Rodríguez Ceja, la présidente de la Cour suprême, Norma Pina, et la présidente de l'Institut national électoral (INE), Guadalupe Taddei.
A l'élection présidentielle, l'opposition était représentée par une autre femme, l'ex-sénatrice de centre droit Xochitl Galvez.
Cas rare dans le monde, les femmes étaient également majoritaires dans le Congrès sortant (251 députées sur 500 avant le renouvellement de la chambre basse ce dimanche).
- Un symbole -
"Je ne crois pas que les machistes changent parce qu'il y a une présidente, mais il est possible que nous ayons plus de droits pour nous défendre des machos, d'un homme violent", espère Norma Teofilo, une commerçante âgée de 20 ans, après avoir voté pour Mme Sheinbaum.
En 2023, il y a eu un moyenne de 10 assassinats de femmes par jour au Mexique, d'après l'ONU.
Selon l'ONU Femmes, 70% des Mexicaines de plus de 15 ans ont expérimenté la violence de genre au moins une fois dans leur vie, dont le harcèlement et les abus sexuels.
"Nous en avons assez du machisme, il faut soutenir les femmes, les mères seules qui souffrent de violence", assure Bryan Ramirez, 25 ans.
L'arrivée d'une femme au palais national, siège de la présidence, est "symboliquement très puissant", estime la sociologue Zeida Rodríguez, de l'université de Guadalajara.
Attention aux symboles à double tranchant: pour Mme Rodriguez, les progrès enregistrés dans les droits des femmes ces dernières décennies "ont exacerbé les expressions machistes, au lieu de les diminuer".
- "Nous arrivons toutes" -
Mme Sheinbaum s'est adressée directement aux Mexicaines, majoritaires parmi les 98,3 millions de personnes inscrites sur les listes électorales.
"Je vais devenir la première femme présidente du Mexique en 200 ans (depuis l'indépendance des Espagnols en 1821, ndlr). Et comme je l'ai dit en d'autres occasions, je n'arrive pas seule. Nous arrivons toutes", a-t-elle répété dans son message de victoire dimanche soir.
Symboliquement, Mme Sheinbaum a annoncé n'avoir pas voté pour elle, mais pour une pionnière de la gauche mexicaine, Ifigenia Martinez, 93 ans, en hommage à sa lutte (les bulletins de vote prévoient une case vide pour inscrire le nom de candidats non enregistrés).
La présidente élue "aura une politique spécifique envers les féminicides, que Lopez Obrador ne voulait pas avoir", espère Pamela Starr, experte du Mexique à l'Université de Californie du Sud.
Mme Sheinbaum propose de créer des parquets dédiés aux enquêtes sur les féminicides. Fin 2022, elle avait accusé le parquet de Morelos (Etat au sud de Mexico) de protéger l'assassin présumé d'une jeune femme disparue dans la capitale.
Sur le plan diplomatique, quelle pourrait-être sa relation avec Donald Trump, si le républicain revenait à la Maison Blanche après les élections de novembre prochain aux Etats-Unis?
"Nous savons que Trump a tendance à dénigrer les femmes. Je soupçonne donc qu'il mettra Sheinbaum à l'épreuve pour voir jusqu'à quel point elle est forte", pense Pamela Starr. "Je crois qu'il pensera qu'il pourra exercer des pressions sur elle et elle aura besoin de beaucoup de courage pour l'en empêcher".