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L'Arménie a rendu vendredi à l'Azerbaïdjan quatre villages frontaliers qu'elle avait pris dans les années 1990, un nouveau pas vers une normalisation des relations entre ces pays rivaux du Caucase après des décennies de différends territoriaux et de guerres.
Ces deux voisins se sont affrontés à plusieurs reprises pour le contrôle de la région du Haut-Karabakh. La première guerre, qui a fait plus de 30.000 morts, dans les années 1990 a été remportée par l'Arménie.
L'Azerbaïdjan a ensuite repris le contrôle d'une partie de la région à l'automne 2020, avant d'en conquérir la totalité après une offensive éclair en septembre 2023, chassant les séparatistes arméniens qui la dirigeaient depuis trois décennies.
L'Arménie reproche à la Russie, son allié traditionnel, de ne pas s'être interposée au moment de l'attaque azerbaïdjanaise, malgré la présence alors sur place de soldats russes de maintien de la paix.
Signe de ces tensions persistantes, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a annoncé vendredi le rappel de l'ambassadeur russe à Erevan pour "consultation".
En parallèle, Bakou et Erevan ont multiplié les négociations pour trouver une paix durable et annoncé à la mi-mai s'être mis d'accord sur la délimitation d'une partie de la frontière commune.
Vendredi, les garde-frontières arméniens "ont commencé à garder officiellement" la nouvelle ligne de démarcation, ont déclaré les services de sécurité arméniens.
Le vice-Premier ministre azerbaïdjanais, Shahin Mustafayev, a annoncé quant à lui que les quatre villages de la région de Gazakh (Tavouch en arménien) que sont Baganis, Ashaghy (Voskepar en arménien), Kheyrimli (Kirants en arménien) et Ghizilhajili (Berkaber en arménien) étaient retournés "sous le contrôle des garde-frontières de la république d'Azerbaïdjan".
La mise en oeuvre de l'accord de mai, qui porte sur une section frontalière longue de 12,7 km, marque un pas important vers un accord de paix global auquel Bakou et Erevan tentent désormais de parvenir.
- "Jalon important" -
Vendredi soir, dans un discours à la télévision, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a affirmé que la délimitation des frontières avec l'Azerbaïdjan était "l'unique garantie pour assurer l'existence de la république arménienne dans ses frontières reconnues internationalement et légitimes".
Dès son annonce le 16 mai, l'accord sur les quatre villages avait été qualifié par Nikol Pachinian de "jalon très important pour le renforcement de la souveraineté et de l'indépendance de l'Arménie".
Le territoire que l'Arménie a accepté de rétrocéder a une importance stratégique pour ce pays enclavé, car il permet de contrôler des tronçons d'une route importante vers la Géorgie voisine.
Les habitants arméniens des villages situés à proximité redoutent qu'ils ne soient coupés du reste de leur pays à la suite de cette décision. Pour sa part, M. Pachinian promet de construire de nouvelles routes dans la région au cours des prochains mois.
Un tronçon de 5,8 km de la frontière près du village arménien de Kirants sera gardé "conformément à un schéma transitoire jusqu'au 24 juillet", ont précisé les services de sécurité arméniens.
Selon le maire du village, sa population sera autorisée à utiliser une partie de la route sous contrôle azerbaïdjanais jusqu'à ce que de nouvelles routes voient le jour.
D'après les médias locaux, plusieurs habitants de cette localité située juste à proximité immédiate de la nouvelle ligne de démarcation l'ont cependant déjà quittée après avoir détruit leurs maisons.
- Contestation en Arménie -
L'accord sur la restitution des villages a suscité une vive contestation en Arménie. Des milliers de personnes ont manifesté le 9 mai dans la capitale Erevan, réclamant la démission de Nikol Pachinian.
Cette manifestation a été le point d'orgue de plusieurs semaines d'actions de protestation et de blocages routiers dans la région frontalière, suivies d'une grande marche de 160 km vers Erevan, emmenée par le charismatique archevêque de cette région, Bagrat Galstanian. Plus de 150 manifestants ont alors été brièvement interpellés.
Une nouvelle manifestation de protestation est prévue pour dimanche. Mais le mouvement semble s'essouffler.
Si cela devait se confirmer, M. Pachinian, un ancien journaliste qui dirige l'Arménie depuis 2018, pourrait se targuer d'une grande résilience. Il avait déjà survécu aux appels à la démission après les défaites arméniennes de 2020 et 2023.