Partager:
Il est "le caillou dans la chaussure" des Jeux olympiques: depuis des mois, le collectif le Revers de la médaille alerte sur l'expulsion des populations précaires de Paris en amont de cet événement. Avec un impact médiatique international, mais peu d'avancées sur le terrain.
Le message "JO on (n')est pas prêt" projeté sur l'Arc de Triomphe, visible depuis le long des Champs-Elysées, les marches du Sacré-Coeur recouvertes de banderoles multicolores etc.: le collectif (quelque 80 associations) attire l'attention des médias sur "le nettoyage social" provoqué, selon lui, par l'événement sportif planétaire (26 juillet - 11 août).
Avec succès. Les expulsions de squats et de camps de migrants de la Ville Lumière, qui attend quinze millions de visiteurs cet été, sont suivies par le quotidien britannique The Guardian, quand le New-York Times s'interroge sur la capacité des JO à régénérer les coins les plus pauvres de la banlieue parisienne.
Mi-avril, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement digne Balakrishnan Rajagopal a commenté sur X: "Les expulsions pour embellir Paris avant les #Olympiques sont similaires à ce que la Chine, l’Inde et d'autres ont fait avant d’autres méga-événements. Comment la #France justifie-t-elle cela?"
"Nous avons été surpris par l'écho de nos actions, organisées avec de simples pancartes en carton et des bouts de ficelle. Nous sommes des travailleurs sociaux, et voilà que des télévisions, par exemple australiennes, nous demandent notre avis avant l'organisation des JO dans leur pays (en 2028). C'est assez vertigineux", raconte à l'AFP Paul Alauzy, un des porte-parole du Revers de la médaille.
- "Saison des noix de coco" -
Une notoriété soudaine suivie de près par le Comité d'organisation des Jeux olympiques (Cojo), qui dès le lendemain de la première action du collectif, le 30 octobre, a pris contact avec les militants, qu'il rencontre, depuis, tous les mois.
"A ce moment-là, on s'est vraiment dit qu'on pourrait faire avancer la cause des personnes à la rue. On était euphorique car ils nous avaient promis que l'effet JO permettrait" de pousser le dossier, se souvient Paul Alauzy.
Mais quelques mois plus tard, le collectif déchante. Le Cojo leur explique que c'est dorénavant "+la saison des noix de coco+ et que chacun essaye de balancer le fruit à son voisin pour s'en débarrasser".
"En tant que comité d'organisation, nous ne sommes pas compétents sur les sujets d'urgence sociale et d'aide aux populations précaires", indique le Cojo à l'AFP. L'organisation souligne s'être engagée à la poursuite de l'accompagnement social (maraudes par exemple), y compris sur les lieux des Jeux.
Contacté par l'AFP, le ministère des Solidarités répond "prendre au sérieux les inquiétudes" des associations et les avoir "reçues régulièrement", en assurant aux maraudes "un accès aux sites".
"On a rien obtenu ou presque", déplore Paul Alauzy, dont le collectif publie lundi un rapport sur un an de "nettoyage social".
- Ternir l'image des JO -
Le directeur du cabinet du préfet de région, Christophe Noël du Payrat, se défend: "Ils voudraient que les JO soient un mot magique, qu'ils permettent de résoudre les maux de la société française.
Mais on sait que la politique d'hébergement d'urgence et de logement social dans l'Ile-de-France est sous tension".
Il rappelle l’existence de 120.000 places d'urgence chaque nuit en région parisienne et la création de 164 supplémentaires. Le Revers de la médaille plaide, lui, pour la création de 20.000 places à l’échelle nationale, dont au moins 7.000 en Île-de-France.
Les relations sont plus apaisées avec la mairie socialiste, qui reconnait "une juste cause". Mais le lien de cause à effet entre les JO et les revendications du collectif agace les autorités.
"La très grande précarité n’est pas arrivée avec les JO, ils n’en sont nullement la cause", insiste Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris.
"Nos interlocuteurs sont plus inquiets que l'on ternisse l'image des Jeux --auxquels nous ne sommes pas opposés-- que du sort des personnes à la rue", déplore Antoine de Clerck, du Revers de la médaille.
"Nos victoires sont à la marge, certes, mais on restera le caillou dans la chaussure. Notre combat est d'abord idéologique et servira d'alerte pour les autres JO", espère le collectif.