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Le Premier ministre indien Narendra Modi a vu son pays atteindre une croissance économique annuelle record (plus de 8% en 2023/2024), mais des taux de chômage chroniquement élevés ont joué un rôle clé dans son revers électoral surprise cette semaine.
"La détresse économique sous-jacente des gens du secteur informel a eu un impact sur le résultat des élections", a estimé l'économiste Arun Kumar. L'appel nationaliste hindou de Modi aux électeurs s'est heurté à la réalité des conditions de vie des Indiens, a-t-il ajouté.
Modi se prépare à faire un troisième mandat, cette fois-ci à la tête d'un gouvernement de coalition, après avoir échoué à obtenir une majorité absolue pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans.
"L'atout de M. Modi était son discours adressé aux hindous (...) en essayant de surmonter les aspects négatifs du chômage, des inégalités et de la hausse des prix", a affirmé M. Kumar.
"Cela a échoué parce que les gens ont réagi en fonction de leur situation économique et de leurs véritables problèmes."
Les services informatiques constituent la partie la plus visible de l'activité économique moderne de l'Inde et, historiquement, l'un des plus grands créateurs d'emplois de cols blancs, favorisant l'expansion de la classe moyenne.
Mais avec le ralentissement du secteur, des centaines de milliers de nouveaux diplômés ont du mal à trouver du travail.
L'Organisation internationale du travail, par exemple, estime que 29% des jeunes diplômés universitaires indiens étaient au chômage en 2022. Le gouvernement Modi a considérablement augmenté les dépenses en infrastructures et convaincu des géants mondiaux comme Apple de fabriquer davantage de ses iPhone en Inde.
"Tout le monde a peur"
Mais cela ne s’est pas traduit par suffisamment d’emplois. "Il ne fait aucun doute que l'Inde connaît une crise de l'emploi dans son pays", assure l'économiste du développement Santosh Mehrotra.
"Le pays doit créer 10 à 12 millions d'emplois non agricoles pour absorber à la fois les personnes entrant dans l'activité et les travailleurs agricoles excédentaires", selon M. Mehrotra. "Il en crée actuellement bien moins que cela."
La Banque mondiale a affirmé cette année que l'Inde, comme d'autres pays d'Asie du Sud, "ne créait pas suffisamment d'emplois pour suivre le rythme de l'augmentation rapide de sa population en âge de travailler".
Janakiraman Muthuvel en fait partie. Le jeune homme de 22 ans rêve d'un emploi dans l'une des sociétés géantes d'externalisation de logiciels en Inde, et ses parents ont dépensé l'essentiel de leurs économies en frais de scolarité dans une école d'ingénieurs de second rang située à l'extérieur de la capitale technologique de Bangalore.
"Tout le monde a peur", a affirmé M. Muthuvel. "Beaucoup de grandes entreprises qui viennent habituellement pour (proposer) des stages ont mis de côté mon université."
Avec des dizaines de millions de personnes rejoignant le marché du travail chaque année, le défi ne fera que s'accroître.
M. Muthuvel a soutenu le Bharatiya Janata Party (BJP) de Modi, mais les frustrations augmentent. "Ma famille et moi avons voté pour le BJP parce que nous pensons que Modi est le mieux placé pour résoudre les problèmes de ce pays", a-t-il déclaré. "Mais nous attendons un avenir meilleur".
M. Muthuvel espère trouver un emploi pour payer les dettes familiales et pouvoir se marier. Il a un entretien la semaine prochaine pour un poste de back-office chargé de gérer les appels d'assistance technique pour une banque britannique. S’il l’obtient, son salaire s’élèvera à un peu plus de 200 dollars par mois.
Pas le choix
Le secteur technologique indien est tombé dans une ornière. Le secteur des services informatiques, qui emploie plus de cinq millions de personnes, connaît des difficultés après le ralentissement des marchés occidentaux.
L'effectif total des géants de l'informatique TCS, Infosys et Wipro a diminué de près de 64.000 personnes en mars sur un an, selon une analyse par l'AFP de leurs résultats financiers annuels. Le secteur continue d'embaucher de nouveaux employés, mais le moteur de l'emploi a commencé à s'essouffler.
Selon les données de l'organisme industriel Nasscom, seuls 60.000 emplois nets ont été créés au cours du dernier exercice, soit une forte baisse par rapport aux 290.000 créés au cours de l'exercice 2022-23.
"Si votre chiffre d'affaires n'augmente que de 2 à 3%, vous n'avez pas la possibilité d'augmenter vos effectifs", a déclaré Sangeeta Gupta, directrice de la stratégie chez Nasscom, espérant une "accélération" l'année prochaine.
Le ralentissement technologique mondial se fait également sentir dans les écoles d'ingénieurs d'élite indiennes. "Les placements sont moins nombreux cette année jusqu'à présent", a déclaré M. Rajib Maity, directeur du centre de développement de carrière à l'IIT Kharagpur, une université dont les anciens élèves les plus éminents incluent le PDG de Google, Sundar Pichai.
"Nous n'avons pas eu d'autre choix que de devenir plus réalistes en matière de salaires", affirme un étudiant d'une école de l'Institut indien de technologie (IIT), qui a demandé à ne pas être identifié car cela nuirait à ses perspectives d'emploi.