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Le Brésil fait face à une crise d'incendies sans précédent, touchant près des deux tiers de son territoire. Quelque 188.623 départs de feu ont été identifiés depuis le début de l'année au Brésil. C'est presque autant que le total de l'année dernière. La situation s'est particulièrement aggravée en ce mois de septembre, avec 61.572 recensés en 17 jours, contre 46.498 sur tout le mois en 2023.
Le Brésil brûle. Et pas seulement en Amazonie. Près des deux tiers du territoire du plus grand pays d'Amérique latine sont affectés par la fumée qui émane d'incendies hors norme.
Favorisés par une sécheresse extrême qui est elle-même liée au réchauffement, ces feux sont "une démonstration de la gravité du changement climatique" mais leur déclenchement est l'oeuvre de "criminels", martèle la ministre de l'Environnement Marina Silva.
Voici ce que l'on sait sur cette "pandémie d'incendies", selon l'expression de Flavio Dino, un juge de la Cour suprême.
Quelle ampleur?
Selon les données recueillies par les satellites de l'Institut national de recherches spatiales (INPE), un organisme public, 188.623 départs de feu ont été identifiés depuis le début de l'année au Brésil. C'est presque autant que le total de l'année dernière (189.926).
La situation s'est particulièrement aggravée en ce mois de septembre, avec 61.572 recensés en 17 jours, contre 46.498 sur tout le mois en 2023.
Et le nombre de foyers en Amazonie depuis le début du mois est déjà largement supérieur à celui de tout septembre 2019 (31.412 contre 19.925), quand la multiplication des feux dans la plus grande forêt tropicale de la planète avait suscité un tollé international et mis sur la défensive le président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).
Les chiffres de 2024 sont encore loin du record de 2007 (393.915 foyers au Brésil sur toute l'année, 141.220 en septembre). Mais cette fois les incendies "ont lieu en même temps dans plusieurs régions du pays, ce qui rend le problème d'autant plus complexe à gérer", explique à l'AFP Ane Alencar, directrice scientifique de l'Institut de recherches environnementales sur l'Amazonie (Ipam).
Quelles causes?
"Le changement climatique est en cause, conjugué au phénomène El Niño. Le Brésil vit une période de sécheresse prolongée depuis juin 2023. Il y a eu un peu de pluie entre la fin de l'année dernière et le début de cette année, mais moins que prévu", expose Suely Araujo, coordinatrice de politiques publiques de l'Observatoire du climat, un collectif d'ONG.
Dans ces conditions de sécheresse extrême, "pour qu'un incendie se propage, il suffit d'une étincelle. Mais cette étincelle, elle est allumée par un être humain", relève Ane Alencar.
La plupart de ces incendies sont donc d'origine criminelle.
Un des cas de figure les plus communs est celui d'éleveurs qui utilisent le brûlis pour nettoyer les pâturages.
En temps normal, cette pratique traditionnelle n'est censée être permise qu'après autorisation préalable de l'Etat dans lequel se trouve la ferme. Elle a été totalement interdite récemment sur tout le territoire à cause de la crise en cours.
"Mais c'est sans doute la loi la moins respectée du Brésil", déplore Ane Alencar. Résultat: un feu qui devait rester circonscrit échappe au contrôle du fermier qui l'a allumé, entraînant des conséquences catastrophiques.
Autre cas de figure, selon les experts: certains incendies de grandes proportions sont allumés par une frange criminelle du puissant secteur de l'agro-industrie pour brûler des forêts publiques et s'accaparer les terres en les transformant en pâturages.
Enfin, profil plus difficile à cerner: celui d'individus qui, pour des motivations qui restent à établir, cherchent "juste à semer le chaos", selon le directeur de la Police fédérale chargé de l'Environnement, Humberto Freire.
"Certaines personnes utilisent le feu comme une arme, en commettant des crimes pour s'approprier des terres ou pour attirer l'attention", résume Ane Alencar.
La ministre Marina Silva dénonce le "terrorisme climatique" de "criminels" qui "profitent du changement climatique" pour attiser des feux à leur profit.
Le gouvernement est-il à la hauteur?
Le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva a admis lui-même mardi que le Brésil n'était "pas préparé à 100%" pour faire face à cette flambée, avant de débloquer 514 millions de réais (84 millions d'euros) pour la riposte.
"Les autorités devraient agir davantage, à tous les niveaux", estime Suely Araujo, qui a présidé l'organe public de surveillance environnemental Ibama de 2016 à 2019.
La ministre de l'Environnement "fait ce qu'elle peut, mais les autres ministres devraient être plus impliqués, et le gouvernement devrait mieux coordonner la réponse aux incendies avec les gouverneurs des différents Etats", poursuit-elle.
A quand l'accalmie ?
"Etant donné que ces incendies sont provoqués par l'homme, si rien n'est fait pour les empêcher, cela va continuer jusqu'à ce qu'il pleuve suffisamment. Et la sécheresse devrait perdurer au moins jusqu'en octobre", alerte Karla Longo, chercheuse de l'INPE.
"La période de pluie est censée débuter lors de la seconde quinzaine d'octobre (...), mais il est possible que cela prenne du retard, au vu de la sécheresse extrême du sol et des faibles conditions d'humidité atmosphérique", prévient Ricardo de Camargo, professeur de météorologie à l'Université de Sao Paulo (USP)