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Autrefois expert réputé en droit constitutionnel, décoré par le gouvernement de Hong Kong, Benny Tai est désormais considéré par les autorités comme le "cerveau" derrière les contestations prodémocratie qui ont ébranlé le territoire en 2019.
Juriste et professeur de droit, Benny Tai, 59 ans, avait reçu en 2001 la médaille d'honneur de la ville pour ses travaux sur la Loi fondamentale, la mini-constitution de Hong Kong qui régit l'ancienne colonie britannique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997.
Plus de 20 ans plus tard, sa médaille lui a été retirée et les procureurs accusent ce militant prodémocratie d'être le "cerveau et l'instigateur" d'une tentative de "subversion" des institutions de la ville, dans un procès phare.
Ayant plaidé coupable il y a deux ans, comme 30 autres accusés dans ce dossier, l'universitaire n'a pas été directement concerné par l'audience de jeudi, consacrée aux 16 militants qui avaient décidé de contester toute responsabilité pénale, et dont 14 ont finalement été reconnus coupables.
Mais une place éminente lui a été accordée dans ce jugement de 300 pages, qui a détaillé son plan présumé pour mettre au point "une +arme constitutionnelle de destruction massive+", afin de "déstabiliser le système politique existant".
Comme ses coaccusés, M. Tai encourt la réclusion à perpétuité, dans le plus important procès de ce type depuis que Pékin a introduit à Hong Kong une loi de sécurité nationale qui a muselé toute dissidence après les importantes manifestations prodémocratie, parfois violentes, de 2019.
Les peines doivent être prononcées plus tard dans l'année.
- "Un pays, deux systèmes" -
Au sein du mouvement, qui réclamait notamment plus d'autonomie vis-à-vis de Pékin, Benny Tai était parvenu à unir les groupes prodémocratie disparates de Hong Kong en une coalition, dans le but d'obtenir une majorité législative.
Cette coalition aurait alors tenté, selon les procureurs, d'empêcher l'adoption du budget gouvernemental, de faire pression pour obtenir la démission du chef de l'exécutif et de forcer ce dernier à accéder aux demandes formulées par les manifestants en 2019.
Benny Tai a étudié le droit à l'université de Hong Kong à une époque où la Chine et le Royaume-Uni entraient en phase finale de négociations pour la rétrocession de la ville.
Sa thèse portait sur le cadre politique promis par Pékin, "un pays, deux systèmes", qui permettait à Hong Kong de conserver une économie capitaliste, ainsi que des libertés individuelles dans le cadre d'un Etat de droit.
Benny Tai a assisté Martin Lee, le créateur du Parti démocratique de Hong Kong, dans la rédaction de la Loi fondamentale, avant de poursuivre ses études à Londres.
Pendant plus de deux décennies après son retour à Hong Kong, il a été un universitaire respecté, qui siégeait au comité d'éducation civique du gouvernement local.
- "Nature antidémocratique" -
Il a peu à peu basculé dans l'opposition, devenant même le fer de lance en 2014 du mouvement "Occupy Central", dit aussi la Révolution des Parapluies, quand des centaines de milliers de Hongkongais avaient organisé une manifestation pacifique de 79 jours dans le quartier central des affaires de la ville, dénonçant la limitation du suffrage universel.
"Je n'abandonnerai jamais et je vais continuer à œuvrer pour la démocratie à Hong Kong", avait affirmé Benny Tai devant le tribunal, lorsqu'il avait été condamné pour nuisance publique en 2019.
Il avait été libéré sous caution en août 2019, quelques mois avant la victoire écrasante des candidats en faveur de la démocratie aux élections pour les conseils de districts.
"Les élections (...) ne peuvent changer la nature antidémocratique du système politique, mais elles peuvent ralentir la chute de Hong Kong dans un régime autoritaire à part entière", a-t-il écrit dans un livre intitulé "Amour et paix : le voyage inachevé de la résistance".
La plupart des dirigeants du mouvement prodémocratie à Hong Kong sont aujourd'hui sous les verrous ou ont quitté la ville.
"Les tours et les détours de son parcours sont un symbole du destin de Hong Kong et des souffrances de la ville", a expliqué à l'AFP Ho Chi-kwan, une responsable féministe qui vit maintenant à Taïwan.