Partager:
Une septième personne a été tuée vendredi en Nouvelle-Calédonie, toujours dans l'incertitude au lendemain d'une visite du président Emmanuel Macron, qui a promis que la réforme électorale contestée par les indépendantistes ne passerait "pas en force".
Alors qu'ils circulaient à Dumbéa, au nord de Nouméa, deux policiers ont été "pris à partie physiquement par un groupe d'une quinzaine d'individus" et l'un d'eux a fait usage de son arme, tuant un homme de 48 ans, a annoncé le procureur de Nouméa Yves Dupas.
"Le fonctionnaire aurait fait usage de son arme de service en tirant un coup de feu pour s'extraire de cette altercation physique", a précisé le magistrat, ajoutant que le policier, "sur lequel des traces de coups ont été relevées", a été placé en garde à vue.
Depuis le début des émeutes, les violences avaient déjà fait six morts: deux gendarmes, dont un dans un tir accidentel, trois Kanak (autochtones) et un Caldoche (Calédonien d'origine européenne). Aucun, hormis le décès accidentel, n'était à imputer jusque-là aux forces de l'ordre.
Lors de sa visite jeudi, Emmanuel Macron a rencontré loyalistes, favorables à l'élargissement du corps électoral pour les scrutins provinciaux, et indépendantistes qui estiment que cette mesure va réduire le poids des Kanak, qui représentent 41% des habitants du Caillou, selon un recensement de 2019.
C'est l'adoption de ce projet de loi par le Sénat puis l'Assemblée qui a mis le feu aux poudres et déclenché une vague de violences que l'île n'avait plus connue depuis quatre décennies.
- "Reprise du dialogue" -
"Je me suis engagé à ce que cette réforme ne passe pas en force", a promis Emmanuel Macron lors de son déplacement.
Mais il a demandé "la reprise du dialogue en vue d'un accord global" sur le futur de la Nouvelle-Calédonie, afin qu'ensuite il "puisse être soumis au vote des Calédoniens".
Avant cette échéance, "l'objectif est de rétablir l'ordre dans les jours à venir", a répété le chef de l'Etat.
Sans appeler à la levée des barrages, Christian Tein, le chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, a annoncé vendredi lors d'une conférence de presse vouloir "desserrer un peu l'étau de manière à ce que le carburant (...) et surtout les médicaments" puissent être acheminés sur l'archipel.
"C'est notre priorité", a-t-il assuré. Il a également demandé la levée des assignations à domicile des leaders de la CCAT pour qu'ils puissent "aller sur le terrain, expliquer les enjeux et apaiser les choses".
Dans un entretien aux médias locaux, Emmanuel Macron avait exigé "la levée de tous les blocages" et demandé "qu'il y ait un appel clair à ces levées" de la part notamment des indépendantistes du FLNKS ou de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT).
Depuis le 13 mai, les émeutes ont causé des dégâts considérables dans le territoire français du Pacifique Sud.
L'état d'urgence instauré le 16 mai continue d'y prévaloir: couvre-feu nocturne, interdiction de rassemblement, de transport d'armes et de vente d'alcool, bannissement de l'application TikTok.
- Attente de directives -
Vendredi, Gabriel Attal a rendu hommage aux deux gendarmes tués lors des violences, "tombés pour rétablir l'ordre, protéger nos concitoyens", lors d'une cérémonie à Maisons-Alfort (Val-de-Marne).
Des barrages instaurés par les émeutiers restent en place. Sur la côte est de la Grande Ile, le carrefour entre la route qui en traverse le centre et celle qui longe l'océan est ainsi bloqué à tous les véhicules, sauf ceux de secours.
Dans le quartier de Montravel à Nouméa, les militants étaient en attente vendredi de "directives" officielles du FLNKS pour la suite du mouvement.
"On se tient prêt à poursuivre la mobilisation puisque apparemment le président de la République ne veut pas nous écouter", a expliqué à l'AFP Yamel, un militant opposé à la réforme électorale.
"Tant qu'il n'y aura pas d'indépendance, il n'y aura pas de sécurité", a de son côté prévenu, sous couvert d'anonymat, un militant de 51 ans tenant un barrage dans un quartier nord de Nouméa.
"On attend tous la décision du FLNKS", a affirmé de son côté l'une des chefs de file des loyalistes, Sonia Backès, sur la radio locale RRB, estimant qu'un "accord est possible si tout le monde est de bonne foi".
- Vols de rapatriement -
La vie reprend doucement dans l'archipel. "Les opérations de déblaiement avancent" sur les routes et "une centaine de barrages ont pu être neutralisés", a rapporté le Haut-commissariat de la République.
La Banque de Nouvelle-Calédonie a par ailleurs annoncé la réouverture de cinq de ses 18 agences. Trois d'entre elles ont été incendiées.
Depuis le début de la crise, plus de 350 personnes ont été interpellées et "60 officiers de police judiciaire mènent un travail sans relâche pour instruire les enquêtes en cours", a précisé le haut-commissariat.
L'aéroport international de La Tontouta reste en revanche fermé aux vols commerciaux jusqu'à mardi, a annoncé vendredi son exploitant, la Chambre de commerce et d'industrie.
"Il n'y a pas de réouverture prévue parce que (...) l'objectif prioritaire est de permettre l'accueil des renforts de police, des engins, du fret", a fait valoir sur BFMTV la ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux.
Les pays voisins s'activent eux pour trouver les moyens de faire évacuer leurs ressortissants.
Le gouvernement du Vanuatu a ainsi indiqué qu'il organisait vendredi le rapatriement de 160 étudiants. Selon la chaîne de télévision VBTC, c'est un avion militaire français qui a assuré le premier vol.
La Nouvelle-Zélande a elle annoncé l'arrivée de 50 de ses ressortissants vendredi matin à Auckland.