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#MeToo des armées: la France lance une mission d'inspection sur les violences sexuelles

Le ministère français des Armées a lancé une mission d'inspection sur les violences sexuelles dans ses rangs après une série de témoignages d'abus alimentant un #MeToo de l'institution militaire.

La mission vise à améliorer "l'ensemble des mesures de prévention, de protection des victimes et de sanction des agresseurs", a annoncé vendredi le ministre Sébastien Lecornu dans une tribune commune avec la secrétaire d'Etat aux Anciens Combattants Patricia Miralles, parue dans le quotidien Le Monde.

Cette mission rendra ses conclusions fin mai.

Par ailleurs, "chaque fois qu'il existe une suspicion de viol ou d'agression sexuelle présentant un caractère suffisant de vraisemblance, la personne mise en cause sera systématiquement suspendue de ses fonctions", écrivent les ministres.

Une instruction ferme a été envoyée en ce sens par le ministère le 26 mars à tous les commandements.

"Il y a un engagement exemplaire en la matière des grands chefs militaires", avait assuré peu après M. Lecornu lors d'une conférence de presse en présence des chefs d'état-major des armées.

Les violences sexuelles "sont des actes contre la cohésion militaire, contre la fraternité d'armes, c'est d'autant plus insupportable dans les armées", a déclaré à l'AFP le contrôleur général des Armées, chef de la cellule "Themis" créée en 2014 pour recueillir les témoignages des victimes et veiller à l'application de sanctions.

"Il faut que les victimes osent faire le pas, elles ne veulent pas remettre en question la cohésion de leurs unités. Mais ce sont ceux qui commentent ces actes qui remettent en question la cohésion, pas elles", a plaidé Thibault de Laforcade.

"La parole des victimes est accréditée à 100% et la volonté politique sur ce point est infaillible", a réagi pour sa part vendredi auprès de l'AFP la députée Laetitia Saint-Paul (Renaissance), qui a récemment interpellé le ministère sur le cas de Manon Dubois, victime d'agressions sexuelles lorsqu'elle travaillait dans la Marine.

- "Insupportable" -

Cette femme de 23 ans, qui a récemment livré son témoignage à plusieurs médias, a depuis quitté l'armée. Selon la hiérarchie militaire, son agresseur, qui a reconnu les faits, a écopé d'une sanction militaire de dix jours d'arrêt. Il a été condamné par la justice à verser 600 euros de dommages et intérêts à la victime et à un stage de sensibilisation.

Laetitia Saint-Paul, par ailleurs capitaine dans l'armée de Terre, indique avoir reçu une vingtaine de témoignages de victimes présumées en une semaine sur sa boîte mail parlementaire après la publication du témoignage de Manon Dubois.

Dans une récente interview au quotidien Le Monde, elle qualifiait cette remontée spontanée de témoignages de "#MeToo des Armées", dans la foulée du cinéma ou du monde du sport.

La députée a également reçu une vingtaine de messages de cadres des armées exprimant leur soutien à sa démarche, ainsi que de nombreux courriels d'associations de métiers en uniforme.

"Pour l'opinion publique, c'est devenu insupportable. Il y a une intolérance généralisée à ces déviances, où qu'elles se déroulent", estime-t-elle.

La mission d'inspection lancée par le ministère aura aussi pour objectif de "rendre plus efficace encore" le fonctionnement de la cellule "Thémis".

En 2023, 167 signalements pour violences sexuelles ou sexistes ont été adressés à la hiérarchie militaire et 59 à Thémis, soit un total de 226 cas ayant fait l'objet d'une enquête administrative au sein des armées, selon le ministère.

Sur ces 226 cas, "la moitié" a fait l'objet de sanctions disciplinaires et 150 ont fait ou font l'objet de poursuites en justice. Un tiers relèvent du harcèlement, un tiers d’agressions, 12% de viols et le reste d'outrages sexistes, selon la même source.

Les armées françaises comptent 200.000 militaires d'active, dont 16,5% de femmes dans leurs rangs (34.142 personnels), soit une des armées les plus féminisées au monde.

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