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Toujours en première ligne, Emmanuel Macron pilonne ses adversaires aux élections législatives en réservant ses coups les plus durs à l'alliance de gauche, au risque d'agacer son propre camp et de brouiller les pistes sur l'union des modérés qu'il appelle de ses vœux.
Les appels de son camp à rester en retrait n'y ont rien fait, pas plus que la défiance d'une bonne partie de ses troupes: le chef de l'Etat continue d'alimenter la campagne de ses propos, qui allument autant de polémiques nouvelles.
Mardi, en marge des célébrations du 84e anniversaire de l'appel du 18-Juin sur l'île de Sein, dans le Finistère, il s'en est pris au programme du Nouveau Front populaire, qualifié de "totalement immigrationniste".
"Ils proposent d'abolir toutes les lois qui permettent de contrôler l'immigration", a-t-il taclé.
Dans la foulée, nouvelle attaque contre une gauche qui propose "des choses complètement ubuesques comme aller changer de sexe en mairie". Une allusion à un passage du programme du Nouveau Front populaire qui propose d'"autoriser le changement d'état civil libre et gratuit devant un officier d'état civil" pour les personnes transgenres.
Les propos d'Emmanuel Macron ont aussitôt été condamnés par la gauche, tout comme par des associations LGBT+, "atterrées" par ce "glissement dangereux" dans un contexte de "transphobie".
Dans son propre camp, l'ex-ministre Clément Beaune, candidat à sa réélection dans une bataille serrée à Paris, a semblé prendre ses distances. "Pour les personnes trans, pour les personnes LGBT, pour toutes et tous… nous devons rejeter toute stigmatisation dans le discours politique et faire avancer les droits", a-t-il dit sur le réseau X.
Autant de critiques qui ont poussé l'Elysée à monter au créneau, pour défendre son "bilan de progrès sur les questions sociétales", mais aussi sa position controversée, jugeant que le "changement de sexe" était une question complexe nécessitant un "accompagnement".
S'il s'en prend aux "extrêmes" de part et d'autre de l'échiquier politique, le chef de l'Etat donne le sentiment de cibler avec plus d'entrain la coalition qui va de La France insoumise au Parti socialiste -- et qui a même réussi à attirer son ex-ministre Aurélien Rousseau.
Il épingle certes le programme du Rassemblement national, qu'il juge "déraisonnable financièrement et dans son rapport à la politique". Mais il redouble de coups contre celui de l'union de la gauche.
- "Matraquage fiscal" -
"Ce n'est pas un programme social-démocrate", ça "coûte des centaines de milliards d'euros", a lancé mardi Emmanuel Macron à quelques journalistes, avant de fustiger les responsables socialistes qui vont "à la gamelle" pour sauver leurs sièges.
Il avait pourtant dit il y a une semaine, dans sa conférence de presse, vouloir tendre la main aux modérés des deux camps. Avec des appels du pied appuyés aux sociaux-démocrates, qu'il n'a de cesse aujourd'hui de matraquer.
Jusqu'à l'ex-président François Hollande, dont il fut le collaborateur puis le ministre de l'Economie. "C'est normal qu'il soit à l'aise avec le programme du Nouveau Front populaire, lui qui a été le chantre du matraquage fiscal pendant son quinquennat", cingle-t-on dans l'entourage présidentiel.
"Macron concentre ses attaques sur la gauche car c'est là qu'il peut espérer encore récupérer des voix", estime une conseillère ministérielle. "En décrédibilisant le programme et en montrant qu'il est complètement dingo, il peut tenter de toucher les orphelins de Raphaël Glucksmann", la tête de liste des socialistes qui a fait près de 14% aux européennes.
Même s'il a officiellement laissé à Gabriel Attal la conduite de la campagne, le chef de l'Etat semble décidé à continuer à donner le ton, malgré le rejet qu'il suscite chez de nombreux électeurs. Mardi, il a aussi déjeuné avec des journalistes de la presse quotidienne régionale.
Pour les stratèges de l'Elysée, il y avait urgence à reprendre la main sur l'explication de la dissolution surprise de l'Assemblée nationale, annoncée au soir de la défaite de son camp aux européennes face à l'extrême droite.
L'entourage du président le reconnaît mezzo voce: dans le récit du lendemain, qui compte énormément dans des élections comme celle-ci, c'est l'amertume et l'incompréhension du camp macroniste, jusqu'au Premier ministre, qui ont été retenues. Au risque de teinter toute la campagne.