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C'est un gisement d'économies qui n'avait pas encore été chiffré: le coût du "millefeuille administratif" lié aux compétences partagées par l'Etat et les collectivités "peut être estimé à 7,5 milliards d'euros", selon un rapport remis mercredi au gouvernement.
Alors que l'exécutif a déjà acté 10 milliards d'euros de coupes dans les dépenses de l'Etat en 2024 et cherche 10 milliards d'économies supplémentaires, les coûts de l'enchevêtrement des compétences "ne peuvent pas être tous supprimés mais ils peuvent être diminués", note le gouvernement dans un communiqué.
Entre les différents niveaux d'administration, "les Français voient bien qu'il y a une forme de confusion des responsabilités aujourd'hui", a affirmé à l'AFP le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave.
Or "la complexité de l'action publique locale est pour moi un sujet démocratique, c'est un problème d'efficacité et c'est aussi un problème de coût pour les finances publiques", a-t-il estimé.
Le chiffre de 7,5 milliards d'euros communiqué par Thomas Cazenave et la ministre déléguée aux Collectivités territoriales Dominique Faure est issu d'un rapport commandé fin 2023 au maire de Charleville-Mézières Boris Ravignon (LR).
Ce document publié mercredi précise que le coût du "millefeuille administratif" pèse principalement sur les collectivités (6 milliards d'euros), l'Etat supportant une charge financière quatre fois moindre (1,5 milliard d'euros).
Dans le détail, le coût de l'enchevêtrement des compétences est estimé à 4,8 milliards d'euros pour les communes, 696 millions d'euros pour les intercommunalités, 355 millions d'euros pour les départements et 117 millions pour les régions.
"Cette évaluation reste un ordre de grandeur, et sans doute un minimum, étant entendu que les opérateurs" de l'Etat (France Travail, Agence nationale de l'habitat...) n'ont pas été inclus dans le calcul, souligne l'auteur du rapport.
- Simplifier plutôt que supprimer -
Pour parvenir à ce chiffre, la mission a sondé plus de 200 collectivités et préfectures et identifié trois types de coûts induits par le partage entre administrations de certaines compétences (multiplication des comités, coordination et instruction des demandes de financement).
Les coûts liés à la coordination entre différentes administrations qui exercent conjointement une politique publique représentent à eux seuls 85% des 7,5 milliards d'euros.
Parmi les compétences dont le partage coûte le plus cher, la mission cite l'enseignement (1,2 milliard d'euros), l'urbanisme (819,5 millions) et la voirie (566 millions).
Pour autant, "la France n'a pas une catégorie de collectivités à supprimer, une strate d'élus à liquider pour que tout s'arrange", martèle Boris Ravignon en conclusion de son rapport.
"Le souhait le plus vif de la mission, c'est que la réflexion se poursuive, pour examiner toutes les responsabilités que notre Etat, enfin recentré et stratège, pourrait déléguer en confiance aux collectivités françaises", poursuit-il.
Le maire de Charleville-Mézières plaide également pour un "chantier de simplification des normes". La Direction générale des collectivités locales évalue à quelque 2 milliards d'euros le coût total de l'inflation normative pour les collectivités entre 2017 et 2021.
Parmi les pistes à creuser, M. Ravignon suggère de simplifier la gestion des ressources humaines dans les collectivités ou de revoir les règles et l'organisation de la commande publique pour la rendre "plus efficace et plus efficiente".
"Pour la première fois, au-delà des grands discours sur le millefeuille administratif, on a une évaluation concrète, précise, qui va nous permettre d'avancer", se félicite Thomas Cazenave auprès de l'AFP.
Dans un communiqué, Départements de France se félicite que ce rapport "rétablisse la vérité" sur "la dépense des collectivités territoriales et leur responsabilité +dans les désordres financiers+", qui sont jugées "limitées".
"Ce rapport vient utilement compléter les nombreux travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, de l'Assemblée nationale, de la Cour des comptes et de nos associations, sur les coûts de l'absence de réforme de l'Etat pour tirer toutes les conséquences de la décentralisation", a réagi auprès de l'AFP la présidente de Régions de France, Carole Delga.
"Il apparaît que les coûts induits par l'enchevêtrement des responsabilités résultent en grande partie du non-retrait de l'État de domaines censés être décentralisés", a abondé l'association Intercommunalités de France.