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La Thaïlande a subi un "coup d'État judiciaire", affirme le chef du principal parti d'opposition

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MANAN VATSYAYANA

En Thaïlande, le dirigeant de l'opposition Natthaphong Ruengpanyawut accuse les juges d'avoir organisé un "coup d'État judiciaire", en ayant évincé le Premier ministre et dissous le parti politique arrivé en tête aux législatives, dans un entretien avec l'AFP mercredi.

Au début du mois, la Cour constitutionnelle a dissous le parti progressiste Move Forward (MFP) accusé de crime de lèse-majesté et interdit à ses dirigeants de faire de la politique, avant de démettre de ses fonctions le chef du gouvernement, Srettha Thavisin, pour manquements à l'éthique.

Le MFP, qui avait remporté la plupart des sièges aux élections de l'an dernier, a rapidement fait son retour sous le nom de Parti du peuple (PP).

Son nouveau chef, Natthaphong Ruengpanyawut, a déclaré à l'AFP que des réformes étaient nécessaires pour que le royaume progresse.

"La Cour constitutionnelle a évincé le Premier ministre, ainsi que les anciens dirigeants du MFP. Nous appelons cela un coup d'Etat judiciaire", a-t-il déclaré au cours d'un entretien dans l'enceinte du Parlement thaïlandais.

"Un pouvoir qui ne rend pas de comptes au peuple est (un pouvoir qui est) passé outre les représentants des pouvoirs exécutif et législatif élus par le peuple. C'est le signe que la Thaïlande n'est pas une démocratie à part entière", a-t-il estimé.

M. Natthaphong, un entrepreneur de la tech âgé de 37 ans, a déclaré que son parti allait promouvoir des réformes visant à limiter le pouvoir de la Cour constitutionnelle de s'opposer aux lois et à mettre fin à celui de dissoudre les partis politiques et de limoger les Premiers ministres.

- Plus de manifestations de masse -

Ces deux dernières décennies, la politique thaïlandaise a été marquée par une lutte acharnée entre les partis progressistes populistes et l'élite royaliste soutenant les militaires.

Le populaire leader du MFP, Pita Limjaroenrat, a mené son parti à une victoire surprise aux législatives l'an dernier, en promettant de réformer la stricte législation thaïlandaise sur le crime de lèse-majesté, de réduire l'influence de l'armée et de s'attaquer aux puissants monopoles commerciaux.

Plus de quatorze millions de Thaïlandais, un résultat inédit en plus de dix ans, ont choisi Move Forward pour tourner la page d'une quasi-décennie de domination de la vie politique en Thaïlande par les militaires à l'issue d'un putsch en 2014, qui a creusé les inégalités et plombé la croissance économique.

Mais le MFP a été empêché de former un gouvernement par des sénateurs conservateurs nommés par la junte, effrayés par ses projets de réformes.

Un tribunal a ensuite jugé que ces propositions constituaient une tentative de renversement de la monarchie constitutionnelle et, le 7 août, le MFP est devenu le dernier en date d'une série de partis politiques thaïlandais à être dissous par les juges.

M. Limjaroenrat a quant à lui été banni de la vie politique pour dix ans par la justice.

Le royaume "mérite de savoir quand il agit mal", considère M. Natthaphong, qui encourage la communauté internationale à ne pas faiblir dans ses critiques lorsque la Thaïlande enfreint les normes démocratiques. L'Union européenne, les États-Unis, les Nations unies et des groupes de défense des droits de l'homme ont fustigé cette dissolution du MFP.

Désormais rebaptisée le Parti du peuple, cette formation politique espère obtenir une majorité claire aux prochaines législatives prévues pour mi-2027 mais elle pourrait subir un harcèlement judiciaire ou être à nouveau empêchée d'exercer le pouvoir.

Si cela se produisait, le parti n'encouragerait pas ses partisans à descendre dans la rue pour de nouvelles manifestations de masse, a assuré M. Natthaphong.

"Je pense que la seule raison pour laquelle nos députés ou le PP s'engageraient dans des manifestations de rue serait que la Thaïlande subisse un nouveau coup d'État", a-t-il affirmé. "Nous allons abandonner les manifestations de rue parce que nous n'allons pas donner de prétextes à l'armée pour faire un coup d'Etat", a-t-il ajouté.

La loi de lèse-majesté prévoit entre trois et quinze ans de prison pour toute insulte visant le roi ou sa famille, une sanction considérée parmi les plus sévères au monde pour une loi de ce type.

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