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Xavier Dupont de Ligonnès, principal suspect de l'assassinat de sa femme et de leurs quatre enfants, est introuvable depuis le 15 avril 2011. Date à laquelle il a été aperçu pour la dernière fois. Christine Dupont de Ligonnès, sa sœur et Bertram De Verdum son beau-frère, étaient nos invités ce jeudi. Le couple a développé une théorie selon laquelle, l'homme n'aurait pas tué sa famille, contrairement aux apparences.
Pour vous, votre frère et sa famille ne sont pas morts, qu'est-ce qui vous fait dire ça, ressentir ça?
Christine: C'est effectivement la conclusion à laquelle nous arrivons. Certes, avec un point de départ qui est la lettre que Xavier adresse à plusieurs personnes dix jours avant de disparaître. Mais d'une certaine façon, notre conclusion n'est pas le plus important, puisqu'elle est discutable, nous en sommes tout à fait conscients, puisqu'elle est diamétralement à l'opposé de la version officielle. Ce qui est très important pour nous, ce sont tous les arguments que nous apportons, qui sont sortis du dossier, mais ne sont curieusement jamais sortis au grand jour. Ils ont été mis sous le tapis, et permettront à chacun de se forger une opinion personnelle.
La lettre dont vous parlez, signée par Xavier, datée du 8 avril, dans laquelle il explique notamment qu'il est devenu un témoin essentiel dans un procès qui implique des hauts responsables du trafic de drogue internationaux, dans laquelle il explique qu'il va disparaître et que vous ne pourrez plus communiquer. C'est là-dessus que vous vous basez pour dire que ces arguments sont vrais ?
Bertam: Au moment où l'affaire éclate, on a deux positions un peu différentes parce qu'on n'est pas au même endroit. Donc Christine est avec sa mère à Versailles et moi, je suis au travail au Yémen, à l'étranger et donc moi, je n'ai pas la lettre. Je prends tout comme tout le monde, en France et ailleurs, de plein fouet et je crois en tout ce que je crois que donc il s'agit bien des corps de la famille et que c'est un assassinat. Je pense moi aussi que c'est Xavier qui en est l'auteur et j'ai Christine au téléphone et je ne comprends pas son attitude. Je la sens très sereine, très calme, et elle me dit "Attends, attends, tu ne vois pas tout".
Christine: Parce qu'en fait, je n'osais pas lui en parler de cette lettre. Je me disais, il y a quelque chose de grave et c'est peut-être pas prudent d'en parler par téléphone. Je n'osais pas lui en parler et du coup, c'est vrai que j'ai laissé Bertram adhérer malgré lui à la version officielle.
Les ADN des enfants et d'Agnès sur les corps retrouvés. Vous en faites quoi? Quel est votre argument?
Bertam: Dans l'hypothèse qu'on propose à la fin du livre, on change de contexte. Nous, dans ce cas, on se dit qu'il ne s'agit plus d'une affaire criminelle, mais d'une opération spéciale. Et évidemment, si la famille a été exfiltrée et qu'il a fallu fournir des corps de substitution pour une mise en scène, les personnes en charge de l'organisation auront fait en sorte que l'ADN corresponde et que l'ADN qui a été envoyé au laboratoire. Le laboratoire n'a rien qu'analyser des prélèvements qu'on lui a fourni.
Comment est-ce qu'on explique une mise en scène aussi importante? On a retrouvé des traces de sang un peu partout, cinq corps enterrés, XDDL qui achète du matériel quelques jours avant...
Bertam: La raison pour laquelle cette mise en scène a été faite, non, clairement, nous n'avons pas la réponse. Nous pouvons nous mettre dans le dossier et voir ce qui ne va pas, voir ce qui ne correspond pas avec un assassinat. Nous, nous pensons qu'il n'y a pas eu d'assassinats dans cette maison. Mais nous ne pouvons pas dire pourquoi il y a eu cette mise en scène.
Et ces cinq corps, alors? Qui sont-ils?
Christine: Pour nous, obtenir des corps de substitution pour des services de police qui seraient chargés du montage, ça ne doit pas être très compliqué. Nous étions tombés sur un article par hasard en 2011, indiquant par exemple qu'en Espagne, les facultés de médecine regorgeaient de corps donnés à la science parce que c'était une solution pour les personnes qui n'avaient pas les moyens d'enterrer leurs proches. Donc, ça nous a fait dresser l'oreille. Après, il y a eu le scandale de l'université Paris-Descartes, avec des corps conservés dans des conditions épouvantables. Et c'est moins loin que l'Espagne. Ce n'est pas ce n'est pas plus farfelu pour nous que la version officielle qui Pour le grand public qui n'a que quelques éléments comme les achats en cartes de carte bancaire, oui, c'est facile de construire un Xavier coupable, mais quand on va au fond des choses, c'est beaucoup plus difficile.
Et si on va au fond des choses, vous retenez quels arguments pour contrer la version officielle?
Bertam: La chronologie ne correspond pas avec ce qui est avancé officiellement si on prend les témoignages, les SMS, les relevés téléphoniques, les relevés bancaires... On arrive à suivre Xavier au jour le jour, mais pas que Xavier. On retrouve aussi Agnès, effectivement, après la date où elle aurait théoriquement été été tuée. On la retrouve du 4 au 8 avril à Nantes. Elle est présente à ce moment là. Elle est vue, elle envoie des SMS. On a dit que c'était Xavier, mais il se trouve que quand elle a envoyé un SMS, son téléphone a borné à côté de la maison, alors que Xavier, pendant ce temps-là, était parti faire des courses et il achetait quelque chose avec sa carte bancaire. Moi je veux bien et je veux bien suivre la version officielle, mais qu'on m'explique comment ça se fait.
Comment expliquez-vous qu'il y ait eu besoin d'une exfiltration secrète et que dans la lettre, il vous raconte tout?
Christine: Sa lettre est certainement biaisée. En fait, je pense que le fond est exact, je pense que mon frère faisait du renseignement et cette lettre éclaire beaucoup de petits points d'interrogation que j'avais, conscients ou inconscients depuis des années à son sujet et au sujet d'Agnès également. Je ne comprenais pas leur déplacement, certaines dépenses que je trouvais tout à fait inutiles, comme deux labradors quand on n'arrive pas à finir ses fins de mois et qu'on a déjà quatre enfants. En fait, cette lettre m'a éclairée, c'est pourquoi je l'ai prise au sérieux. Et dans ce cas là, si Xavier travaille dans le renseignement, c'est normal qu'il y ait une organisation qui est prévue au cas où les choses tournent mal, c'est dans son contrat.
Vous savez, vous, où il est?
Christine: Non, on ne sait strictement rien.
Vous avez essayé d'entrer en contact avec lu ? Il a essayé d'entrer en contact avec vous?
Christine: Rien non plus, jamais, rien. Aucun signe de lui. Moi, j'ai jamais tenté de le joindre. Même pas la fameuse semaine où il était encore en France. Et moi, j'ai cru qu'il était parti. Je n'ai pas essayé.
S'il vous contacte, qu'est ce que vous faites?
Christine: Alors, je me tourne vers mon avocat, bien sûr, et c'est lui qui prendra les décisions utiles et opportunes.
Un an avant les faits, dans une lettre qu'il adresse à ses amis en 2010, il explique à ses deux meilleurs amis que sa situation est précaire. Il explique qu'il va prendre des précautions au cas où si ça tourne mal, il dit "J'ai deux solutions, soit je me fous en l'air avec ma voiture comme ça Agnès touche l'assurance-vie, soit je fous le feu à la baraque quand tout le monde dort (plus aucun problème pour personne). Là, on est près d'un an avant les faits. Comment est-ce que vous vous expliquez cette lettre?
Bertam: Alors c'est intéressant de prendre la lettre et tout ce qui va avec. Il y a des petits "PS" où il prévient qu'il n'est pas et qui va très bien, qui est sous l'emprise d'aucune drogue, etc... Et surtout moi, ce que je trouve le plus incroyable, c'est qu'il demande à ses deux amis, Michel et Emmanuel, de conserver cette recette, cette lettre, jusqu'à un moment opportun. Donc il annonce déjà qu'il va se passer quelque chose. Il sait déjà, et il le précise aussi ailleurs, dans la lettre ou dans la pièce jointe qui le suivait, qu'il allait être mis en cause dans une affaire criminelle qui concernerait sa famille.
Et il leur dit alors "Si jamais je suis mis en cause, dites leur bien que je n'ai rien fait".
Christine: Alors, pour nous, justement, si, on prend cette lettre dans le sens de la culpabilité n'a aucun sens.
Dans la lettre qu'il vous envoie le 8 avril, il précise qu'il dépend du Programme fédéral de protection des témoins, qu'il ne pourra pas communiquer jusqu'à la fin du procès. C'était il y a treize ans. Il n'a pas eu de procès entre temps, et treize ans c'est un peu long, pour une enquête de drogue, non?
Bertam: Alors cette lettre, elle dit certainement pas toute la vérité et elle se sert peut être de prétexte. Notamment on parle notamment de la DEA qui est ce qu'il y a de plus connu dans les romans d'espionnage et dans le cinéma. Peut-être que c'est pas ces organisations là qui sont concernées.
Tous les policiers qui sont mobilisés sur cette affaire depuis des années, ils travaillent pour rien?
Bertam: On a beaucoup travaillé sur le dossier chez notre avocat, donc on a vu le tous les procès-verbaux, tout ce que les policiers ont fait. Dans notre hypothèse, on pense que la majorité des policiers, effectivement, ne savaient pas. Et oui, ça nous étonne. Mais peut-être ils ne pensaient que ça allait ça les emmener si loin médiatiquement et qu'il a bien fallu jouer le jeu et continuer à jouer le jeu.
Peut-être avaient-ils trop d'éléments factuels et matériels et scientifiques?
Non, il n'y en a pas justement, c'est ça qui est très curieux dans cette affaire. C'est que d'une part, le principal suspect, il n'y a aucune preuve matérielle et qu'il implique directement dans la commission des faits, c'est-à-dire l'assassinat en lui-même et l'ensevelissement des corps sous la terrasse. C'est la première des choses. Et la deuxième chose, c'est qu'il n'y a rien non plus qui montre comment est ce qu'il a fait pour faire tout ça dans la maison.
Christine, vous ne regrettez pas d'avoir écrit livre?
Christine: Je ne le regrette pas et je ne pense pas que je vais le regretter. Je ne pense pas qu'on le retrouvera. Je m'en voudrais beaucoup, ayant des éléments qui disculpent mon frère, de rester dans le silence et dans mon petit confort, recevoir des critiques, du dénigrement, et cetera. J'y suis habituée, ce n'est pas nouveau. Et puis là, c'est vraiment nous qui l'avons déclenché, donc nous l'assumons à 100 %.
Vous pensez qu'on le retrouvera un jour?
Christine: Je ne pense pas qu'on le retrouvera. Je pense que s'il doit nous faire signe d'une façon plus officielle qu'autre chose, il le fera en temps opportun.