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JO: à Paris, des taxis volants bientôt dans les airs

Depuis mai, une barge a pris ses quartiers sur la Seine, face à la Cité de la Mode. C'est là que doivent décoller des taxis volants électriques pendant les Jeux olympiques, vitrine revendiquée d'une aviation décarbonée, que le gouvernement souhaite expérimenter.

A moins de sept semaines des JO (26 juillet-11 août), des ouvriers s'activent quai d'Austerlitz, dans le XIIIe arrondissement, pour mettre en service une plateforme flottante de 760 m2, où doivent décoller et atterrir à la verticale des taxis volants, censés incarner le virage vert de l'industrie aéronautique.

Devant des panneaux en tôle, un vigile veille à ce que les badauds passent leur chemin.

Le chantier parisien a fait l'objet d'une convention de location entre le groupe ADP, gestionnaire des aéroports de Paris, et l'établissement public Haropa-Port.

Pour ce projet, ADP s'est associé à la région Ile-de-France, qui a mobilisé 1,5 million d'euros, et à la start-up allemande Volocopter qui fabrique le "Volocity".

Cet aéronef à deux places, dont celle du pilote, est équipé de batteries alimentant 18 rotors disposés en couronne au-dessus du cockpit.

Le but est de profiter des JO pour démontrer la faisabilité d'un nouveau mode de transport en zone urbaine dense, du moins sur le papier.

En Ile-de-France, quatre sites appelés "vertiports" sont prêts, notamment à l'aéroport Paris-Roissy et au Bourget.

La ligne parisienne, dont l'expérimentation serait "une première mondiale", relierait le quai d'Austerlitz à l'héliport d'Issy-les-Moulineaux en survolant la Seine vers l'est, puis le périphérique sud.

Depuis 2021, des tests sont par ailleurs menés à l'aéroport de Pontoise-Cormeilles-en-Vexin(Val-d'Oise).

Au nom de la "course à l'innovation", ADP fait valoir que de nombreux projets similaires voient le jour partout dans le monde, et Volocopter a précisé mardi à l'AFP avoir investi au total quelque 600 millions de dollars.

Dans un marché commercial encore balbutiant, la start-up a toutefois frôlé la faillite au printemps, selon son PDG Dirk Hoke, tandis que les obstacles s'accumulent depuis un an sur l'expérimentation parisienne.

- "Ultra-privilégiés pressés" -

En septembre, l'Autorité environnementale a jugé l'étude d'impact "incomplète" sur le plan de l'évaluation des nuisances sonores, de la consommation d'énergie ou des émissions de gaz à effet de serre.

En février, le commissaire enquêteur a lui estimé que l'expérimentation "ne présentait pas d'intérêt a priori", si elle reste centrée sur des vols commerciaux.

Quant aux élus parisiens, ils se sont prononcés contre, tous groupes politiques confondus, en dénonçant un "projet absurde" et une "aberration écologique".

"C'est du greenwashing à l'état pur, un mode de déplacement fait pour des ultra-privilégiés pressés, puisqu'il n'y aura qu'une place pour un passager", a assuré à l'AFP Dan Lert, adjoint EELV à la Transition écologique, voyant la barge d'Austerlitz comme un "passage en force".

"On a des émissions de gaz à effet de serre 45 fois supérieures à un trajet en métro", ajoute-t-il, observant également que "les atterrissages d'urgence sont impossibles à Paris".

Face aux critiques, le groupe ADP répond que l'installation de la barge "ne préjuge pas d'une éventuelle autorisation" et rappelle que l'expérimentation prendra fin "en décembre".

La barge sera par ailleurs déplacée à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) pour le bon déroulement de la cérémonie d'ouverture des JO.

Alors que les porteurs du projet ambitionnaient de transporter une clientèle payante pendant les JO, l'absence de certification de l'Agence européenne de sécurité aérienne, désormais attendue à l'automne, les oblige pourtant à se replier sur des vols de démonstration gratuits.

Malgré les obstacles, les promoteurs du Volocity tablent toujours sur des passagers payants "avant la fin de l'année".

Pour les JO, ils mettent désormais l'accent sur les usages sanitaires, notamment le transport de greffons, et le ministre des Transports Patrice Vergriete a confirmé mercredi dans une interview au Parisien qu'il donnera son feu vert.

"Nous allons expérimenter cet outil unique au monde pendant les JO", a-t-il déclaré, précisant qu'il y aura "quelques vols pendant l'événement".

"Je ne suis pas fan du taxi volant (...) Mais je n’ai pas envie, au nom de je ne sais quelle idéologie, que nous nous privions de cette expérimentation (...) C’est peut-être l’ambulance de demain. Alors soyons pragmatiques, analysons l’impact, et faisons une analyse coût-bénéfice », a-t-il ajouté.

Forts d'une pétition qui a recueilli quelque 15.500 signatures, les opposants fourbissent leurs armes.

Le collectif des "Taxis-volants non merci", qui a écrit mardi au ministre pour lui demander de "stopper ce non-sens", appelle à un rassemblement le 21 juin quai d'Austerlitz.

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