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"Incompétence", "manque de crédibilité": le gouvernement a subi lundi à l'Assemblée les tirs croisés de l'opposition face à la dégradation des finances publiques, LFI et le RN agitant la menace d'une motion de censure d'ici fin mai faute d'un budget rectificatif présenté avant les européennes.
Après avoir échappé vendredi à une rétrogradation de la note de la dette souveraine par les agences Fitch et Moody's, l'exécutif n'a pas eu le droit à la même indulgence lors du "débat d'orientation" budgétaire sans vote qui a ouvert la rentrée parlementaire après deux semaines de pause.
Cœur de cible, le ministre des Finances Bruno Le Maire a assuré, dans un hémicycle dégarni, vouloir dépasser les "querelles politiques" et "tendre la main à tous les parlementaires de l'opposition qui souhaitaient rétablir les finances publiques".
Non sans avoir manié l'ironie à leur égard: "Jamais je n'ai vu autant de parlementaires soucieux de la dette publique", a-t-il lancé, en brandissant un épais tas de documents, "les 2.500 courriers, tous partis confondus, exigeant de [sa] part plus de dépenses publiques".
Pour "reprendre le chemin du redressement" après les crises du Covid-19 et de l'inflation , M. Le Maire a défendu une "feuille de route" basée sur "la croissance et le plein emploi", "les réformes de structures comme la réforme de l'assurance chômage" et la baisse des dépenses publiques.
Il a également réaffirmé l'objectif de revenir sous le seuil d'un déficit à 3% du PIB "d'ici la fin du quinquennat".
- Pas de hausse d'impôts -
La droite comme la gauche ont fustigé le "manque de crédibilité" de cette "trajectoire", reprenant les mots du Haut Conseil des finances publiques au sujet du "programme de stabilité" récemment présenté par le gouvernement.
Ce dernier incarne "l'échec de vos politiques", a estimé le président LFI de la commission des Finances Eric Coquerel, qui reproche à l'exécutif de préférer "s'attaquer à la protection sociale" plutôt que de "toucher aux revenus du capital".
"Nous ne pouvons que constater l'étendue des dégâts et de votre incompétence", a attaqué le chef des députés socialistes Boris Vallaud, dénonçant des prévisions "mensongères", des "cadeaux fiscaux jamais financés" et une "brutalité sociale".
La députée LR Véronique Louwagie s'est quant à elle demandé "comment croire" un gouvernement qui "a laissé déraper comme jamais les dépenses".
L'appelant à se "ressaisir", elle n'a toutefois pas réitéré lors de son intervention la menace d'une motion de censure. Éric Ciotti, le patron de son parti, avait assuré vendredi que la droite était prête à passer à l'acte, notamment en cas de hausse des impôts après le scrutin européen du 9 juin.
"Nous ne les augmenterons ni avant ni après les élections européennes", a assuré M. Le Maire dans l'hémicycle.
- "30 jours" -
"Nous invitons nos collègues LR à prendre enfin leur responsabilités", a exhorté le député Jean-Philippe Tanguy (RN), fustigeant une droite qui malgré ses menaces répétées d'une motion de censure a permis "au gouvernement d'imposer ses choix budgétaires".
Pour mettre la pression sur LR, M. Tanguy a annoncé que son groupe déposerait lui-même une telle motion si le gouvernement n'avait pas présenté d'ici "30 jours" un budget rectificatif pour l'année en cours. Même si celle-ci n'aurait aucune chance d'être adoptée, contrairement à celle de LR.
"Si dans un mois il n'y a pas de projet de loi de finances rectificative, alors nous déposerons une motion de censure", a également assuré devant la presse l'Insoumis Eric Coquerel, déplorant comme tous les groupes d'opposition que l'exécutif "contourne" le Parlement en remaniant le budget 2024 par décrets.
Le gouvernement a de son côté écarté ces dernières semaines cette hypothèse d'un budget rectificatif, ne le jugeant pas nécessaire, même si en coulisse M. Le Maire avait plaidé pour ce scénario.
Dès février, la révision à la baisse de la croissance attendue en 2024 (de 1,4% à 1%) a conduit l'exécutif à annuler par décret dix milliards d'euros de crédits, dans des domaines allant de l'écologie à l'aide au développement, en passant par l'enseignement supérieur. Après le dérapage du déficit public attendu (5,1% du PIB au lieu de 4,9%), Bercy a même annoncé la quête de 10 milliards d'économies supplémentaires cette année.
Après le débat de lundi à l'Assemblée, un autre est prévu sur le même thème mardi au Sénat.