Accueil Actu Monde France

Dans un petit village français, petits-enfants de SS et de déportés déposent ensemble une gerbe devant le monuments aux morts

Ils ont déposé ensemble une gerbe devant le monument aux morts: 80 ans après, petits-enfants d'un officier nazi et descendants de déportés ont commémoré dimanche, dans une émotion commune, la rafle de Pexonne (Meurthe-et-Moselle).

Le 27 août 1944, alors que l'armée allemande s'en prenait aux résistants pour ralentir la progression des Alliés vers l'est, 109 habitants de ce village aux confins des Vosges étaient arrêtés au petit matin puis déportés, sur l'ordre du capitaine SS Erich Otto Wenger, du Kommando n°8. Seulement 17 en sont revenus.

Huit décennies plus tard, c'est tout Pexonne qui honore ses disparus. La commune ne compte que 357 habitants, mais ils sont plus de 400 à se serrer sur le parvis de l'église, aux côtés des associations d'anciens combattants.

Parmi eux, il y a Sacha Wenger et Anne, deux petits-enfants du capitaine nazi. Pour la deuxième année consécutive, les deux cousins, lui Allemand et elle Française, ont fait des centaines de kilomètres pour assister à cette commémoration, dans une démarche "réparatrice".

"Cela fait partie de notre histoire et de l'histoire de nos pays. Je trouvais important de m'inscrire dans cette histoire et d'être proche de ces gens, de leur exprimer ma compassion", explique à l'AFP Sacha Wenger, à quelques mètres d'une plaque mémorielle désignant son grand-père comme un bourreau. "On n'est pas responsable, mais on a en nous cette histoire", abonde sa cousine Anne, qui a la nationalité française, sa mère s'étant installée dans l'Hexagone après la guerre.

"Notre grand-père, par son action, a empêché un village de vivre. Notre démarche n'est pas de demander pardon à sa place, mais nous sommes venus dire à ces gens que nous sommes à leurs côtés".

Rajouter "la fraternité"

Moment marquant de la cérémonie, Sacha et Anne, accompagnés de Guillaume Maisse, petit-fils d'une des victimes de la rafle, et de Stefan Lewandowski, rescapé français du camp de concentration de Mauthausen, se sont inclinés ensemble devant la stèle érigée en hommage aux victimes du Kommando.

"Pendant 79 ans, nous avions essentiellement des descendants de déportés. Avec la présence de Sacha et Anne, nous rajoutons un élément nouveau, c'est la fraternité", souligne Guillaume Maisse. "Nous sommes issus de deux peuples qui se sont opposés à plusieurs reprises et aujourd'hui nous sommes devenus de vrais amis".

Leur rencontre a été rendue possible par les incessantes recherches menées par Guillaume Maisse, fondateur en 2017 de l'association "Pexonne, 27 août 1944, Histoire et Mémoire", et auteur d'un ouvrage sur cette "rafle oubliée".

La prise de contact était un moment "très fort. Guillaume était débordant d'émotion", se remémore Anne, qui avait alors formulé la proposition de venir en personne participer aux commémorations. Une idée qui a longtemps cheminé, avant de se concrétiser.

"Ca avait du sens"

"C'était une démarche difficile pour eux, et pour nous aussi", se remémore le maire de Pexonne, Dominique Foinant. "Certains n'ont pas adhéré, mais la très grande majorité a trouvé que ça avait du sens. Il fallait faire ce pas, je ne regrette rien. C'est comme ça qu'on avancera", assure-t-il. Et ce ne sont pas ses administrés qui lui donnent tort.

"Je me mets à leur place. Les petits-enfants ne sont pas responsables des grands-parents", observe Henriette Perrin qui, du haut de ses huit ans, avait observé la rafle depuis sa maison, à une centaine de mètres de l'église devant laquelle les prisonniers, dont son père Rodolphe Lefort, avaient été conduits. "A mon avis, cet épisode les a retournés, et venir ici a dû les soulager. Ils ont très bien fait".

A l'issue de la cérémonie, 27 pavés de mémoire, baptisés "Stolpersteine" en allemand, portant les noms de 27 victimes, ont été inaugurés sur le parvis de l'église. Les pavés manquants, fabriqués à la main, seront ajoutés dans les deux années qui viennent, sans doute en présence d'Anne et Sacha. Les descendants d'Erich Otto Wenger ont déjà annoncé qu'ils continueraient à s'associer à ce travail de mémoire.
 

À lire aussi

Sélectionné pour vous