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Voici le détail de l'accusation de viol visant le ministre de l'Intérieur français Gérald Darmanin qui a bénéficié en juillet d'un non-lieu, contesté mardi en appel, selon des éléments d'enquête obtenus par l'AFP.
La soirée de 2009
En mars 2009, Sophie Patterson-Spatz, 37 ans, se rend à l'UMP (devenu LR depuis) dont elle est adhérente, cherchant un appui pour la révision d'une condamnation de 2005 pour chantage et appels malveillants envers un ex-compagnon.
Gérald Darmanin, 26 ans, chargé de mission aux affaires juridiques, promet de se "renseigner". Ils dînent ensemble quelques jours plus tard, se rendent ensuite au club libertin parisien "Les Chandelles", puis dans un hôtel où ils ont un rapport sexuel.
Après cette soirée, Gérald Darmanin insiste pour revoir Mme Patterson-Spatz qui demande en retour instamment la copie d'une "lettre" d'appui à la demande de révision de sa condamnation.
Occulté les faits
Une fois la réponse de la Chancellerie reçue, en 2010, les échanges s'interrompent pratiquement. La plaignante raconte avoir "occulté les faits" les années suivantes, n'ayant "pas conscience qu'(elle) avait été violée". La plainte et la bataille procédurale
Mme Patterson-Spatz "explose" lorsque Gérald Darmanin devient ministre en 2017. Elle porte alors plainte pour "viol". Il révèle lui-même à la radio l'accusation, le 15 janvier 2018. Par deux fois, le parquet clôt l'enquête, d'abord parce que Mme Patterson-Spatz ne répond pas aux convocations, ensuite parce qu'il considère non établie son absence de consentement.
En 2018, elle demande la désignation d'un juge d'instruction.
Une première magistrate refuse de reprendre les investigations, estimant l'enquête préliminaire suffisante. Elle est contredite par la cour d'appel de Paris après deux ans de bataille procédurale. Une nouvelle juge, désignée mi-2020, prononce un non-lieu en juillet dernier, estimant que Mme Patterson-Spatz "a délibérément choisi d'avoir une relation sexuelle avec M. Darmanin dans le but de voir son affaire pénale rejugée". Le non-lieu est contesté mardi en appel.
Ce que dit la plaignante
Pour faire réviser sa condamnation de 2005, qui "a pourri (sa) vie", Mme Patterson-Spatz a contacté de nombreuses personnes, dont l'UMP, où elle rencontre M. Darmanin. Selon elle, l'élu l'invite ensuite au restaurant, ce qu'elle accepte pour plaider sa cause. Lors du dîner, il lui aurait promis son aide, puis lui aurait "pris la main", ajoutant: "Moi aussi, il va falloir m'aider".
Elle dit s'être alors sentie "prise en otage" et "contrainte" de le suivre dans le club libertin, puis dans un hôtel.
Lorsqu'il s'en absente une demi-heure pour récupérer à sa demande des produits de beauté, elle ne part pas. "Je n'aurais jamais dû me retrouver dans cette situation. Là, c'était terminé. Je n'ai pas réussi à bouger et à partir", explique Mme Patterson-Spatz lors de la confrontation de mars 2021. Selon son expression, elle "passe à la casserole" ensuite, alors même que Gérald Darmanin "a compris à toutes les étapes que je n'avais pas envie de lui". Son ex-mari et son meilleur ami ont attesté qu'elle leur aurait immédiatement indiqué s'être sentie "obligée" d'avoir cette relation sexuelle.
Échange clé du dossier, Mme Patterson-Spatz écrit à Gérald Darmanin ce SMS neuf mois après les faits: "Abuser de sa position. Pour ma part, c'est être un sale con (...). Quand on sait l'effort qu'il m'a fallu pour baiser avec toi. Pour t'occuper de mon dossier". "Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner?", répond-il.
"Envoie moi les lettres" concernant la révision, réclame Mme Patterson-Spatz, qui a déjà dénoncé les faits à l'UMP.
Ce que dit Gérald Darmanin
Lors de la confrontation de mars 2021, M. Darmanin assure que c'est Mme Patterson-Spatz qui lui "a fait des avances" dès le dîner, ce qui l'a "excité". Entre 2018 et 2021, il avance trois explications différentes à son fameux SMS où il concède être "sans doute un sale con": "Elle m'avait expliqué avoir trompé son mari", justifie-t-il d'abord. "Je parle d'avoir trompé ma fiancée", dit-il ensuite. Puis lors de la confrontation en 2021, par le fait qu'il n'a pas "envoyé en temps réel" la lettre demandée.
Autre contradiction potentielle, M. Darmanin confirme avoir demandé un rendez-vous à la Chancellerie, voire une "étude sérieuse" du dossier de la plaignante, mais explique qu'il "ne s'agit pas d'une intervention". En confrontation, les avocates de Mme Patterson-Spatz interrogent le ministre: "Vous est-il arrivé d'avoir des rapports sexuels avec des femmes pour lesquelles vous aviez pu intervenir?". "Oui, notamment avec mon épouse actuelle", répond-il. "Il faut quand même mesurer ce qu'est être accusé à tort, de devoir expliquer à ses parents ce qu'il s'est passé parce que, c'est vrai, j'ai eu une vie de jeune homme", a-t-il déclaré en juillet.
M. Darmanin a aussi été visé par une enquête pour "abus de faiblesse", classée sans suite en 2018. Une habitante de Tourcoing (Nord) avait accusé son ex-maire d'avoir demandé des faveurs sexuelles contre un logement.