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Ami de l'auteur du carnage au camion-bélier qui a fait 86 morts sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016, Mohamed Ghraieb, condamné en première instance, a clamé en appel son innocence jeudi, reconnaissant, dépité, qu'il n'arrivait "pas à convaincre".
"Je n'adhère pas du tout à l'idéologie jihadiste, je n'adhère pas à la violence, je ne suis pas un terroriste, j'aime la France", a répété le Franco-Tunisien de 48 ans, poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste.
Lors du premier procès, à l'automne 2022, Mohamed Ghraieb comparaissait libre sous contrôle judiciaire. Cette fois, pour son procès en appel, il est dans le box des accusés. Ses cheveux bruns sont devenus entièrement blancs.
Sa ligne de défense n'a guère changé depuis le premier procès: Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qu'il définit comme "une racaille de quartier", l'a "piégé".
"Je n'ai rien à voir avec cette tragédie. Je n'ai jamais été violent. Je n'ai pas de sang sur les mains. Lahouaiej-Bouhlel est un lâche. Je paye à sa place", poursuit-il.
"Lahouaiej-Bouhlel m'a trainé dans la boue. J'ai été naïf", explique l'ancien réceptionniste de nuit d'un hôtel niçois.
L’enquête n’a pu établir aucune preuve de son implication directe dans l’attentat mais des faits troublants viennent semer le doute sur le rôle qu’il a pu jouer dans le passage à l’acte de son ami.
Ainsi, trois jours avant l'attentat, M. Ghraieb avait été invité par son ami à faire un tour avec lui dans le camion qui servira à l'attentat.
Pourquoi ? veut savoir la cour, présidée par Christophe Petiteau. Lahouaiej-Bouhlel "a insisté pour que je monte avec lui dans le camion", répond vaguement l'accusé.
La cour n'en a pas fini avec ses questions. Pourquoi avoir acheté la voiture de Lahouaiej-Bouhlel quelques jours avant l'attentat alors que ce dernier était à la recherche de liquidité pour acheter des armes ? "Je cherchais une petite voiture. Je ne savais pas qu'il cherchait à acheter une arme. On n'a jamais parlé d'armes", selon lui.
Et le 15 juillet au matin, pourquoi s'être filmé aux abords de la promenade des Anglais transformé en charnier en sortant de l'hôtel où il travaillait ? "J'étais fatigué. J'avais envie de voir la mer", soutient l'accusé.
La cour passe et repasse la vidéo où l'on voit M. Ghraieb déambuler près des lieux de l'attentat. Est-il en train de sourire ? Des parties civiles affirment que oui mais la réponse n'est pas évidente malgré les nombreux arrêts sur image demandés par le président. "Quand je souris, je montre mes dents", affirme M. Ghraieb.
- "J'ai honte" -
On remonte plus loin et la cour évoque des textos envoyés à Lahouaiej-Bouhlel après l'attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015. "Je suis pas Charlie (...) T’as vu comment Dieu a envoyé des soldats d’Allah pour les finir comme des m... !!"
En première instance, M. Ghraieb avait catégoriquement nié être l'auteur de ces textos et expliqué laborieusement que c'était un inconnu qui avait utilisé son téléphone à son insu.
Pas de faux-fuyant cette fois: M. Ghraieb reconnaît avoir lui-même écrit ces textos. "Quand je vois ce que j'ai écrit, j'ai honte", dit-il. "Les caricatures ne m'ont pas choqué. C'est la liberté d'expression", insiste-t-il.
Alors que l'avocate générale s'étonne que les enquêteurs n'aient retrouvé ni Coran, ni tapis de prière à son domicile, laissant implicitement entendre que M. Ghraieb s'en est débarrassé, l'accusé hausse les épaules. "La prière, je ne la fais pas. Je ne l'ai jamais faite. Je n'ai jamais mis les pieds dans une mosquée".
Peu de temps après son installation à Nice, au début des années 2010, M. Ghraieb a brièvement adhéré à l’UMP (devenue LR) et a épousé une Finlandaise "protestante luthérienne".
"Je suis un innocent accusé à tort", répète encore M. Ghraieb après plus de six heures d'interrogatoire par la cour et l'avocate générale.
Celui-ci devait se poursuivre jusque tard dans la soirée.
Le procès est prévu jusqu'au 14 juin.