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Après un début de campagne très axé sur la situation à Gaza, La France insoumise a fait sienne lundi la question sociale: la tête de liste Manon Aubry a tenu un meeting avec François Ruffin dans sa ville d'Amiens, après s'être rendue dans l'après-midi à l'usine Metex, entreprise en redressement judiciaire, pour soutenir les salariés.
"Produire ici ce dont nous avons besoin": devant près de 400 personnes, dans une des régions de France qui a le plus massivement voté "non" au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen et qui reste marquée par la délocalisation des usines Goodyear ou Whirlpool, Manon Aubry a martelé son discours protectionniste, vantant "la fierté ouvrière du travail bien fait".
"Qui a organisé la perte de souveraineté de notre industrie? Qui a organisé l'ouverture de nos frontières à des produits qui viennent des quatre coins du monde? Qui a voté à tour de bras des accords de libre-échange? C'est cette Union européenne", a lancé la co-présidente du groupe de la gauche au Parlement européen, qui a également rappelé d'autres points de son programme, comme la sortie du marché de l'énergie.
Manon Aubry a par ailleurs ciblé "l'autre enfant du pays" - manière ironique de désigner Emmanuel Macron, originaire, comme François Ruffin, d'Amiens - "qui vend la France à la découpe pour attirer les investisseurs".
A ses côtés, le député de la Somme s'est réjoui de la visite attendue mardi de la tête de liste des socialistes Raphaël Glucksmann à Metex.
"Tant mieux si Metex, l'industrie, les ouvriers attirent les projecteurs de Paris (...) Maintenant les socialistes viennent, les ministres viennent et ils nous parlent de concurrence déloyale et critiquent le libre-échange? C'est notre victoire", s'est-il réjoui, en appelant à "des gauches réconciliées, mais dans la clarté".
- "Taxe aux frontières" -
Entourés de responsables syndicaux, les deux élus LFI ont pris plus tôt dans la journée la parole sur le parking de l'usine du biochimiste Metex dans la zone industrielle d'Amiens, dans la circonscription du député de la Somme.
Cette usine, la seule en Europe à produire de la lysine, un acide aminé essentiel pour la croissance musculaire des animaux d'élevage, est confrontée depuis plusieurs mois à un environnement économique difficile, les quelque 300 salariés du site craignant pour leur emploi.
L'entreprise, en quête d'un repreneur, doit notamment faire face à la concurrence des producteurs chinois de lysine, qualifiée de "dumping", et a une forte augmentation de ses coûts de production, en raison de l'envol des prix des matières premières comme le sucre.
"Il faut assumer le protectionnisme, une taxe aux frontières. Ce n'est pas un gros mot +taxe aux frontières+!", a lancé Manon Aubry devant plus d'une centaine de salariés et de syndicalistes picards, en précisant son projet: "une taxe en fonction de la distance et de la pollution".
De quoi réduire, selon elle, les importations de lysine chinoise.
François Ruffin s'en est pris lui aux "dirigeants de l'Union européenne" qui ont "ouvert la cage aux fauves". "Ils ont voulu ça, ils ont voulu laisser aux industriels, aux PDG, aux actionnaires, la possibilité de choisir partout en Europe, et même partout dans le monde, les plus bas coûts environnementaux, les plus bas coûts fiscaux et les plus bas coûts sociaux", a-t-il dénoncé.
- "Le quotidien des gens" -
Cette séquence sur la question sociale marquait la première intervention majeure dans la campagne de François Ruffin.
Jusqu'ici, c'est la guerre à Gaza, qualifiée de "génocide" par le mouvement de gauche radicale, qui a été au centre des discours - et des tweets - insoumis.
"Évidemment qu'il faut un cessez-le-feu à Gaza, évidemment qu'il faut faire preuve de solidarité avec les Ukrainiens agressés, mais ce qui fait le quotidien des gens c'est de savoir comment ils vont pouvoir manger, comment ils vont pouvoir se déplacer", a estimé devant la presse le député de la Somme, notoirement très attaché aux thématiques de la réindustrialisation ou du pouvoir d'achat.
Difficilement audible derrière les polémiques de Jean-Luc Mélenchon, l'émergence de la militante Rima Hassan ou encore les convocations pour "apologie du terrorisme" de cette même Rima Hassan et de Mathilde Panot, Manon Aubry a appelé à ne pas "opposer les sujets".
"Jean-Luc Mélenchon a laissé la place à plein de monde et c'est tant mieux", a répondu aux journalistes celle qui s'est fait connaitre en développant notamment les sujets de justice fiscale.