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L'autorité britannique de l'eau (Ofwat) a annoncé jeudi placer sous surveillance le plus grand distributeur d'eau du Royaume-Uni, Thames Water, en grandes difficultés financières, tandis que le gouvernement travailliste promet de réformer un secteur "en crise".
"Compte tenu de nos inquiétudes quant aux performances de l'entreprise, nous la plaçons dans un régime de surveillance en vue d'un redressement", a annoncé le régulateur du secteur dans une note dans laquelle il rejette aussi la proposition de Thames Water d'augmenter ses tarifs de 44% sur cinq ans.
L'entreprise sera tenue de publier un "plan d'action", sera soumise à une "surveillance accrue" et devra en outre remettre à plat sa stratégie de transformation, a-t-il précisé.
La situation précaire du groupe alimente depuis des mois les spéculations sur la nécessité d'un potentiel très coûteux plan de sauvetage public si l'entreprise ne parvient pas à trouver les financements privés dont elle a besoin.
L'Ofwat a publié jeudi son premier avis sur les plans de financement à cinq ans des compagnies des eaux britanniques, privatisées depuis 1989 et sous le feu des critiques depuis plusieurs années pour le déversement de quantités importantes d'eaux usées dans les cours d'eau et en mer.
Le ministre de l'Environnement, Steve Reed, rencontre jeudi après-midi les dirigeants des compagnies des eaux et a annoncé les "premières mesures visant à mettre fin à la crise du secteur".
Outre la pollution, il pointe l'incapacité des entreprises à "attirer d'importants investissements" pour moderniser leurs infrastructures vieillissantes, dont certaines datent de la fin du XIXe siècle.
Le gouvernement demande notamment au régulateur de garantir que les investissements soient faits "pour des améliorations bénéficiant aux clients et à l'environnement" et compte renforcer la protection et l'indemnisation des clients lorsque leurs services d'eau sont affectés.
"Il est encourageant de voir le gouvernement entrer dans la mêlée et reconnaître que des choix politiques doivent être faits ainsi que la nécessité de demander des comptes aux compagnies des eaux", a réagi Doug Parr, un responsable de l'ONG Greenpeace, dans un communiqué.
- "Interdiction totale des dividendes" -
Mais "il faut aller plus loin", avec "des objectifs juridiques plus stricts", une "interdiction totale des dividendes et des bonus des actionnaires", une "participation du gouvernement dans les entreprises" ou encore l'instauration "d'un tarif social", a-t-il ajouté.
Pour l'ensemble des compagnies des eaux du pays, l'Ofwat a proposé jeudi d'autoriser 35 milliards de livres (42 milliards d'euros) d'investissements sur cinq ans pour réduire la pollution, améliorer le service client, la qualité des rivières et des eaux de baignade et assurer une plus grande résilience (des entreprises) à l'impact du changement climatique".
Cela se traduira en moyenne par une hausse des factures de 19 livres par an dans le pays - moins que ce qui était demandé par les opérateurs, a précisé le régulateur dans un communiqué.
Tandis que les critiques accusent aussi les actionnaires successifs chez Thames Water d'avoir utilisé l'endettement pour se verser de généreux dividendes, l'entreprise avait annoncé mardi que sa dette s'était encore creusée, à 15,2 milliards de livres à fin mars.
L'entreprise, qui a renoué avec les bénéfices lors de son exercice annuel achevé fin mars, a versé près de 196 millions de livres de dividendes, quatre fois plus qu'un an plus tôt - mais a aussi reconnu une hausse de la pollution l'an dernier.
Thames Water, qui sert 16 millions de clients à Londres et dans la vallée de la Tamise, avait indiqué que ses liquidités lui permettraient d'assurer ses opérations seulement jusqu'en mai prochain. Ses actionnaires ont refusé, en mars, de remettre la main à la poche.
L'Ofwat a refusé jeudi la proposition de la compagnie d'augmenter ses factures de 44% d'ici 2030 par rapport à 2024/25 pour financer des investissements jusqu'à près de 22 milliards de livres, jugeant notamment que certaines dépenses n'étaient "pas bien justifiées dans le plan de l'entreprise".
Le régulateur propose à la place une hausse de 23% (soit environ 20 livres par an, un peu plus que le moyenne nationale) et un investissement de 16,9 milliards sur cinq ans. Il rendra sa décision finale le 19 décembre, à l'issue d'une consultation.