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Figure des lettres russes, Dmitri Gloukhovski s'est fait connaître pour ses récits de science-fiction avant d'être lui-même plongé dans la réalité "absurde et grotesque" du régime de Vladimir Poutine qui le menace de prison.
Auteur du best-seller "Metro 2033", qui décrit un monde apocalyptique dans les ruines du métro de Moscou après une guerre nucléaire, l'écrivain est dans le collimateur du Kremlin pour avoir critiqué l'invasion de l'Ukraine.
Même réfugié au coeur de l'Union européenne, comme à la Foire du livre de Francfort où il était récemment invité, l'auteur moscovite a confié à l'AFP ne pas se sentir complètement en sécurité.
"Le régime est en train de se transformer en une véritable dictature. Même une seule voix contre (lui) est déjà un danger", observe-t-il.
"Quand le régime était autoritaire, il était beaucoup plus souple", ajoute l'auteur de 43 ans avec un brin d'ironie.
Désormais en exil en Europe, Dmitri Gloukhovski n'entend pas se taire.
"Quand quelque chose de scandaleux se produit en Russie, je dois le commenter", affirme l'auteur, qui était accompagné d'agents de sécurité lors de certaines de ses interventions au salon de Francfort.
Dans la foulée des premiers combats en Ukraine, l'écrivain avait demandé aux autorités russes: "Arrêtez la guerre!". Il a depuis renouvelé ses critiques, dans des médias étrangers ou sur les réseaux sociaux.
- "Basé sur des mensonges" -
En juin, son nom a été inscrit sur la liste des personnes recherchées en Russie.
Début octobre, après avoir critiqué la mobilisation partielle décidée par Vladimir Poutine, il a été désigné "agent de l'étranger" par le ministère de la Justice, un statut infamant utilisé pour réprimer les voix dissidentes.
Menant une répression sans précédent contre les opposants à l'invasion de l'Ukraine, les autorités russes ont instauré une loi prévoyant jusqu'à 15 ans de prison pour toute publication d'information sur l'armée jugée fausse par les autorités.
"La réalité devient absurde et grotesque bien plus rapidement que nous n'aurions pu l'imaginer", témoigne l'écrivain au ton volontaire et aux yeux cernés.
A ses accusateurs le qualifiant d'"agent de l'étranger", Dmitri Gloukhovski rétorque qu'il se voit au contraire comme un "patriote".
Son souhait le plus cher est que la Russie "devienne un pays européen normal, qu'elle laisse derrière elle ses vieilles ambitions impériales et se modernise, qu'elle cesse d'opprimer son propre peuple et de causer des problèmes à ses voisins".
"C'est, je pense, la chose la plus patriotique que l'on puisse imaginer", souligne-t-il.
Le mandat d'arrêt dont il fait l'objet, la pression judiciaire à son encontre l'ont rendu plus "attentif" aux menaces potentielles, même en dehors de Russie, admet Dmitri Gloukhovski.
"On ne peut pas vraiment se sentir en sécurité", confie-t-il, en évoquant la cas du dissident Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium en 2006 à Londres, un acte dont le Royaume-Uni accuse Moscou.
"Les règles qui étaient applicables jusqu'à présent ne le sont plus", constate-t-il simplement.
En Russie, l'auteur ne se voit aucun avenir dans l'immédiat.
"Je ne retrouverai pas le pays que j'aime", prédit-il craignant des transformations radicales et durables de la société russe.
Mais l'écrivain ne perd pas tout espoir et exhorte ses concitoyens à s'accrocher "jusqu'à ce que cette fausse dictature pourrie s'effondre".
"Et elle s'effondrera, inévitablement", assène-t-il. "Parce qu'elle est basée sur des mensonges".