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Tetyana Bougaï ne peut retenir ses larmes en téléphonant à sa soeur pour lui annoncer qu'elle est enfin de retour en Ukraine, après deux ans et demi de captivité aux mains de la Russie.
"Chaton, je t'ai appelée pour te dire que je suis là. Je vais bien", dit cette infirmière militaire de 29 ans, qui appartient à la brigade Azov.
Comme des centaines de combattants ukrainiens, elle avait été capturée durant le siège de Marioupol, ville du sud du pays encerclée et pilonnée par les troupes de Moscou, qui s'en sont finalement emparées en mai 2022.
"Je t'en supplie, ne pleure pas", dit Tetyana Bougaï à sa soeur. "On sera réunies bientôt, je t'aime très fort. Dis à tout le monde que je suis à la maison, d'accord?"
Vendredi, Kiev et Moscou ont procédé à un échange de prisonniers, l'un des tout derniers domaines où les deux pays en guerre coopèrent encore.
L'AFP a pu parler avec certains des 49 Ukrainiens libérés, dont 23 femmes, dans un endroit à la localisation tenue secrète, près de la frontière avec le Bélarus.
Cet échange incluait, pour la première fois en plus d'un an, des prisonniers de la brigade Azov.
Cette unité née d'un groupe ultranationaliste a gagné une réputation héroïque en Ukraine pour avoir défendu avec acharnement Marioupol, faisant oublier, au moins partiellement, l'image sulfureuse de ses débuts.
Mais la Russie, qui a bien conscience de leur statut emblématique pour les Ukrainiens, rechigne à les libérer.
D'autant que Moscou les présente comme des "nazis", des accusations que la brigade Azov rejette.
- "Plus beau jour de ma vie" -
Vendredi, certains des Ukrainiens fraîchement libérés, entre rire et larmes, chantent leur hymne national.
"Je peux pas le croire! J'ai attendu tous les jours et j'ai prié, et finalement ce jour est arrivé", s'exclame une ex-prisonnière, Tamara Mirochnikova, 28 ans.
Cette combattante d'Azov dit espérer que tous ses compatriotes "reviendront de cet enfer" et que "plus personne n'entendra les mots +prisonnier de guerre+".
Le groupe est ensuite installé dans un bus, en direction d'un hôpital du nord de l'Ukraine afin d'être examiné par des médecins.
En montant à bord, Tamara Mirochnikova se réjouit d'avoir parlé à sa mère et à ses enfants, ce qu'elle attendait "depuis deux ans et demi".
"Je ne savais pas comment ils allaient, où ils étaient. Aujourd'hui, c'est le plus beau jour de ma vie" s'émeut-elle.
Un drapeau ukrainien enveloppant ses épaules, elle s'assoit à côté de Tetyana Bougaï, dont elle s'était rapprochée pendant le siège de Marioupol.
Après leur capture, les deux femmes n'avaient eu aucun contact. Elles se sont revues pour la première fois il y a quelques jours, dans un train les acheminant hors de Russie.
- "Encore un peu" –
Enfin réunies, Tetyana et Tamara se prennent dans les bras et rient, saluant de la main les passants quand le bus traverse des villages.
"Notre peuple nous accueille", s'enthousiasme Tetyana Bougaï.
Toute à sa joie, elle préfère ne pas s'étendre sur sa détention, tout en admettant avoir connu des moments de désespoir.
"Mais je me disais: +allez, encore un peu+, et comme ça, petit à petit (...), je gardais espoir", raconte-t-elle.
Les combattants d'Azov savent bien que leur valeur symbolique réduit leur chance d'échange par rapport aux soldats issus d'unités moins célèbres.
"La propagande russe diabolise davantage certaines unités" et cela "a des conséquences sur le processus d'échange", déclare Andriï Ioussov, l'un des responsables ukrainiens en charge de ces sujets.
- "Pardonne-moi" -
Selon Tetyana Bougaï, les responsables pénitentiaires russes lui répétaient que personne ne l'attendait ou ne voulait d'elle en Ukraine.
Loin de son pays, elle a dû apprendre à se blinder.
La soignante a inventé un poème qu'elle a appris par coeur, dédié à sa soeur.
"Ma chère soeur, pardonne-moi pour la période pendant laquelle j'ai été prisonnière de guerre", commence-t-elle, récitant doucement le long texte pendant le trajet de bus.
"Il n'y a pas d'air pour nous en captivité, on meurt tous sur une terre étrangère. Ma patrie, je ne veux pas oublier la terre sacrée, ma soeur, mon père ou ma mère. Ukraine, écoute moi s'il te plaît, seule toi peut nous sauver."