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Comment parler d'Europe dans une campagne très hexagonale ? Éviter un référendum contre Emmanuel Macron ? Combler un déficit de notoriété face à des concurrents affûtés ? La tâche est immense pour Valérie Hayer, tête de liste de la majorité, néanmoins décidée à "faire mentir les sondages".
Dans le camp présidentiel, l'humeur est combative mais l'ambiance n'est pas à l'optimisme. Le discours de la Sorbonne du président n'a pas excessivement marqué les esprits, les sondages sont en berne, le Rassemblement national fait outrageusement la course en tête et la liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann se rapproche dangereusement. Pour autant, nul ne songe à blâmer Valérie Hayer.
"Vous connaissez la théorie de la falaise de verre ? Quand on est face à une falaise, que c'est perdu d'avance, on met une femme...", ironise une députée de la majorité.
Inconnue du grand public, la présidente du groupe Renew (Renaissance) au Parlement européen a relevé le flambeau après les nombreux refus essuyés par le président, de Bruno Le Maire à Jean-Yves Le Drian.
Réputée pour sa maîtrise des dossiers, la Mayennaise "est une bonne députée, mais elle n'est pas à sa place comme tête de liste", estime une eurodéputée de gauche. Sollicitations incessantes, discours en meeting, débats avec les concurrents dont la plupart conduisaient déjà leur liste il y a cinq ans: Valérie Hayer doit apprendre en marchant.
Le débat face à Jordan Bardella jeudi sur BFMTV en a fourni l'exemple, où le candidat du RN, sûr de lui, s'est plu à ironiser à son égard. Mais sur le fond, épreuve franchie sans casse.
-"Pas une punchlineuse"-
"Effectivement, je ne suis pas habituée à ce format, à ces débats, à ce que je vis depuis deux mois. Pour autant je n'avais pas peur de le faire. J'ai des choses à dire sur l'Europe, contrairement à Jordan Bardella", explique-t-elle à l'AFP.
Exercice nécessaire ? Les avis sont partagés. "C'est pas une punchlineuse, Valérie. Il ne faut pas qu'elle essaie d'être ce qu'elle n'est pas", estime, inquiet, un membre de la liste.
La première pique contre Raphaël Glucksmann, qui vote "à 90%" comme les macronistes, fut contreproductive. "Contrairement à beaucoup de choses, c'est resté. C'est le seul reproche que je lui ferais", glisse une ministre.
La majorité espère que le dévoilement de la liste va permettre d'enclencher une nouvelle dynamique, avec le meeting mardi à la Mutualité, à Paris. Un intense programme suivra jusqu'au 9 juin, de meetings régionaux en déplacements thématiques, comme sur l'écologie mi-avril à Angers.
Quelle marge de manœuvre personnelle ? "La liste s'est construite avec moi. Avec les chefs de partis, bien sûr, mais avec moi", assure-t-elle. Les nombreux sortants reconduits en attestent. Et Valérie Hayer n'exclut pas de rajouter sa "patte" personnelle au programme qui sera dévoilé lundi.
-"20%, on signe tout de suite"-
Reste à parvenir à recentrer le débat sur les enjeux européens. "L'extrême-gauche fait campagne sur Gaza, le RN et les autres veulent transformer ça en référendum. Le problème de cette campagne c'est de sortir du franco-français et de parler d'Europe", se lamente le patron de l'UDI, Hervé Marseille.
"C'est compliqué. C'est vraiment un pour ou contre Macron", confirme un cadre de Renaissance.
La pratique du pouvoir d'Emmanuel Macron, la réforme des retraites, la loi immigration ? "Je ne me trompe pas de scrutin", évacue Valérie Hayer.
"Comment conserver notre capacité d'influence en Europe ? Comment régler le défi du changement climatique ? Comment s'assurer de reprendre notre destin en mains en réindustrialisant en France et partout en Europe pour ne plus dépendre des Chinois ? Comment assurer notre sécurité en bâtissant notre propre défense européenne ? C'est ça, les sujets", argumente-t-elle.
"Je ne suis pas inquiète des sondages. Les Français ne sont pas encore dans l'élection. Et moi, quand je fais du terrain, les retours sont plutôt bons. Il y a une dynamique, un truc qui se passe. Mais les Français ne savent pas qu'il y a une élection le 9 juin. On a vraiment un sujet de mobilisation", ajoute Mme Hayer.
La majorité en finit par afficher des ambitions modestes: "20%, on signe tout de suite", glisse un dirigeant de Renaissance.