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Introduction à la Bourse de New York, show-room à Paris... Le constructeur vietnamien automobile VinFast se rêve en leader mondial de la voiture électrique mais peine à attirer de clients locaux.
Lancé en 2017, VinFast se cherche encore une place sur un marché en pleine expansion, malgré la force de frappe du conglomérat auquel il appartient, VinGroup, le plus grand du pays.
Le Vietnam a enregistré environ 280.000 nouvelles immatriculations en 2022, selon des données de l'Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA).
Seules 7.400 concernent la marque VinFast, soit moins de 3%. Une goutte d'eau à l'échelle du Vietnam, 100 millions d'habitants, dont la croissance soutenue nourrit les débouchés pour les entreprises.
Le constructeur a enregistré une progression en 2023, avec 11.000 véhicules vendus de janvier à juin... mais son principal client, qui en a acheté la moitié, est une compagnie de taxis appartenant à VinGroup.
Depuis le début de l'année, la marque a écoulé 21.000 unités dans le monde, à un rythme éloigné de son objectif de 50.000 pour toute l'année.
Ceux qui ont franchi le pas se plaignent du manque de fiabilité de certains modèles: défauts de construction, bugs de logiciel... Une mauvaise publicité pour la marque, déjà mise au défi par le réseau sous-développé de bornes de recharge.
VinFast a assuré dans un communiqué qu'après "plusieurs mises à jour et améliorations du logiciel, (ses) véhicules fonctionnaient bien."
"Je ne veux pas dépenser mon argent pour un produit imparfait" a lancé Ngo Trong Tu, 31 ans, un homme d'affaires de Hanoï, qui a préféré dépenser 5.000 dollars de plus pour une voiture japonaise à essence, plutôt qu'une VinFast.
- Chute en Bourse -
Il ne faut pas s'attendre à un produit parfait juste après son lancement, a tempéré auprès de l'AFP la directrice exécutive de VinFast, Le Thi Thu Thuy.
"Il y a beaucoup d'espoirs et d'attentes pour que nous soyons meilleurs", a-t-elle assuré.
VinFast est le fleuron à l'international de VinGroup, propriété de l'homme le plus riche du Vietnam, Pham Nhat Vuong, dont la fortune est estimée à cinq milliards de dollars par Forbes.
L'homme d'affaires a repéré le potentiel du marché des véhicules électriques, dans un contexte de transition énergétique qui encourage l'abandon des moteurs thermiques.
Malgré la multiplication des points de vente en Europe et aux Etats-Unis, et des projets de développement en Inde, Indonésie et au Moyen-Orient, son pari reste pour le moment déficitaire. VinFast a annoncé 623 millions de dollars de pertes au troisième trimestre 2023.
Les doutes entourant la marque se répercutent sur sa cotation à Wall Street qui, depuis son introduction au Nasdaq en août dernier, a traversé une période de montagnes russes.
La valeur du titre fluctue aujourd'hui autour de sept dollars, bien loin du record atteint à 82 dollars fin août. La valorisation boursière de VinFast était alors supérieure à celle des géants Ford et General Motors.
"Pour l'instant, ces pertes peuvent être supportées parce que VinGroup a les poches profondes, mais cela ne peut pas durer éternellement", déclare James Guild, spécialiste du commerce en Asie du Sud-Est, basé à Singapour.
- "Besoin de temps" -
"L'entreprise semble produire plus de voitures que le marché ne peut en absorber", ajoute-t-il. "Il lui faut un plan financier et opérationnel viable pour les prochaines années, et pour l'instant, il est difficile de voir ce que c'est."
VinGroup a été le pionnier de l'infrastructure des véhicules électriques au Vietnam: le conglomérat a lancé des bus, des taxis, des scooters électriques et des stations de recharge au cours des dernières années.
Mais un expert automobile vietnamien, qui s'est exprimé de manière anonyme par crainte de représailles de la part du puissant groupe, a relevé que "VinFast n'avait pas gagné notre confiance".
"Les utilisateurs ne peuvent pas acheter une voiture aussi chère en se basant uniquement sur la fierté nationale", a-t-il estimé.
Tran Lien Phuong, directeur de la société de conseil et d'étude de marché AMCO à Hô Chi Minh-Ville, a observé que même si le gouvernement communiste encourageait les consommateurs à acheter des produits vietnamiens, ceux-ci avaient tendance à faire davantage confiance aux marques étrangères.
"La compétition sera certainement longue et difficile pour VinGroup. Quiconque s'engage dans ce type de marché a besoin de temps", a souligné M. Tran.