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Réécrit pour répondre à la colère hivernale, le projet de loi agricole du gouvernement ne sera finalement examiné qu'à partir de mercredi dans l'hémicycle de l'Assemblée, accueilli tièdement par les oppositions qui critiquent un manque d'ambition sur le foncier ou la rémunération, voire un effet potentiellement néfaste pour l'environnement.
Les débats devaient démarrer mardi mais l'examen du très sensible projet de loi constitutionnel a duré plus longtemps que prévu, chamboulant le calendrier. Les discussions sur le projet de loi agricole doivent débuter peu après 15H00 mercredi.
"Il s'agit d'une brique et d'une étape de plus", souligne dans La Nouvelle République le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.
Côté syndicats, l'alliance majoritaire formée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs soutient la philosophie du texte, tandis que les deux autres forces représentatives y sont opposées.
La Confédération paysanne (troisième syndicat), qui défend l'urgence de la transition agroécologique, appelle à le "modifier en profondeur" et la Coordination rurale (deuxième syndicat) estime que "le compte n'y est pas" face à l'ampleur de la crise.
Les députés écologistes ouvriront le bal avec une motion de rejet.
"Il n'y a aucun volet financier, aucun volet sur les revenus, rien pour la transition écologique", argue son auteure Marie Pochon, qui devrait bénéficier du soutien des socialistes. "Cette loi est une illusion", explique leur chef de file Dominique Potier, tandis que le groupe LFI critique "une loi d'orientation de l'agrobusiness".
Les députés communistes ne devraient toutefois pas les suivre. "Cette loi passe à côté de la colère épaisse des agriculteurs, notamment sur les rémunérations" mais "il y a urgence à débattre", explique Sébastien Jumel.
Au RN, on penchait plutôt lundi pour laisser le débat se faire, quand bien même le texte est "très en dessous des attentes" pour Grégoire de Fournas. Une source au groupe LR estime également difficile d'aller "plus loin que les syndicats agricoles qui jouent l'apaisement", tout en déplorant l'absence de mesures sur la fiscalité.
Des questions renvoyées par l'exécutif à l'automne: une mission parlementaire de députés Renaissance aura rendu ses travaux sur les revenus des agriculteurs et l'exécutif aura avancé sur un deuxième texte concernant les produits phytosanitaires.
- "Intérêt général majeur" -
En attendant, le texte éclectique du gouvernement propose des mesures sur la formation, la simplification de la législation sur les haies, ou encore l'"accélération des contentieux" en cas de recours contre des projets de stockage d'eau ou de construction de bâtiments d'élevage, en dépit des alertes du Conseil d'Etat sur des "risques de constitutionnalité".
Un décret publié ce week-end est venu en parallèle réduire de quatre à deux mois le délai pour déposer un recours contre ce type de projets, suscitant l'inquiétude d'organisations environnementales, déjà opposées à la philosophie du projet de loi.
La Fondation pour la nature et l'Homme (FNH) critique notamment une "loi à rebours des défis de notre siècle".
L'article phare du texte prévoit de consacrer "l'agriculture et la pêche" comme étant "d'intérêt général majeur", une forme d'appel aux juges administratifs à faciliter certains projets de retenues d'eau ou de bâtiments d'élevage hors-sol, quand ils sont mis en balance avec un enjeu environnemental.
Visé par quelque 800 amendements sur plus de 4.000 déposés, il est paradoxalement celui qui est accueilli avec le plus de circonspection par des élus, voire des juristes, qui estiment que la protection de l'environnement ayant une valeur constitutionnelle, celle-ci prévaudra toujours sur cet intérêt général majeur inscrit dans une loi simple.
Autre point chaud: la création de groupements fonciers agricoles d'épargne, des structures qui doivent permettre de lever de l'argent auprès d'investisseurs publics ou privés et financer l'achat de terres quand de nouveaux agriculteurs n'en ont pas les moyens.
Mais une coalition d'oppositions a supprimé l'article en commission, jugeant notamment qu'il ouvrait la porte à une "financiarisation" de l'agriculture au profit de banques ou de fonds d'investissements, ce dont le camp présidentiel se défend.
Les rapporteurs proposeront en séance des garde-fous (limitation de la taille de l'exploitation pouvant appartenir à un même groupement financier, pas de vente avant dix ans sauf à l'exploitant, etc).
Un vote solennel sur le texte est prévu le 28 mai dans l'hémicycle.