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Patrimoine "extraordinaire" de la Bretagne intérieure, les enclos paroissiaux du Finistère restent largement méconnus du grand public. Leur candidature au patrimoine mondial de l'Unesco devrait leur permettre de sortir de cette indifférence.
"Je ne connaissais pas du tout, du tout... jusqu'à il y a trois, quatre jours", confesse Corinne Brun, professeure d'arts plastiques en Ile-de-France, venue visiter l'enclos paroissial de Guimiliau (Finistère) sur les conseils d'une amie.
"C'est hyper beau. Franchement, je ne m'attendais pas à un truc aussi beau. Je suis hyper étonnée", poursuit l'enseignante.
Avec son église du XVIe siècle, sa chapelle des morts et son calvaire monumental aux 80 statues, l'enclos de Guimiliau attire de 80.000 à 100.000 visiteurs par an, dont des cars de touristes italiens, espagnols ou allemands, selon la mairie.
Malgré tout, "c'est un patrimoine qui est un petit peu oublié dans nos communes", reconnaît la maire Élisabeth Guillerm, qui veille au moindre détail pour préserver le caractère authentique des lieux.
Une vigilance de tous les instants rendue nécessaire par la candidature des enclos paroissiaux du Finistère à une inscription au patrimoine mondial de l'humanité.
En avril dernier, ces ensembles architecturaux des XVIe et XVIIe siècles ont franchi une étape décisive dans ce long processus: ils ont été retenus sur la liste des biens français candidats auprès de l'Unesco, au même titre que les célèbres mégalithes de Carnac (Morbihan).
Cette inscription, "ce serait un plus pour l'activité économique de notre village", s'enthousiasme Mme Guillerm. "Ce serait plus, plus, plus... C'est vrai que ce serait énorme!"
- "ouvrir les yeux des citoyens"-
"Une candidature à l’Unesco vise aussi à ouvrir les yeux des citoyens sur l'importance d'un patrimoine qu'ils voient quotidiennement et qu'ils ont fini par oublier", souligne l'ancien ministre Jean-Jacques Aillagon, président de la mission chargée de porter la candidature, en vantant un "patrimoine extraordinaire".
Sur une centaine d'enclos paroissiaux répertoriés en Bretagne, la mission qu'il préside en a retenu 31 en raison de leur état de conservation et de leur intégrité. Et "entre 15 et 20 résisteront à un examen critique définitif", prédit M. Aillagon.
Construits autour d'une église, délimités par un mur d'enceinte agrémenté d'une porte d'entrée monumentale, ces sites se composent généralement d'un ou plusieurs ossuaires, d'une croix ou d'un calvaire. L'ameublement et les décors intérieurs de leurs églises est souvent très riche, à l'image des sculptures en bois de chêne représentant la mise au tombeau de Jésus à Saint-Thégonnec, ou du retable de la Passion de l'église de Lampaul-Guimiliau.
"On n'a pas affaire à une forme d'art ou d'architecture savant: ce sont vraiment des réalisations populaires", décrit M. Aillagon. "C'est une communauté qui s'empare de modèles qui circulent par ailleurs, ceux de l'art baroque, de l'architecture gothique, renaissance ou classique, pour en faire quelque chose d'extrêmement original".
-"Musées ouverts et gratuits"-
Particulièrement nombreux dans le nord du Finistère, ces enclos sont nés durant l'âge d'or de la Bretagne (1500-1700), une période de grande prospérité économique fondée sur la culture du lin et le commerce des "crées", des toiles pour l'habillement exportées par bateau jusqu'en Angleterre ou en Espagne.
De cette richesse, couplée à une foi religieuse intense en pleine Contre-Réforme, émergera cette myriade de monuments "révélateurs de grands phénomènes de civilisation", énumère l'ancien ministre, citant l'ouverture de l'Europe sur l'Atlantique ou l'invention de l'imprimerie et la circulation des modèles artistiques et architecturaux.
"Ce sont des musées ouverts et gratuits", résume la maire de Guimiliau, optimiste quant à l'issue de la procédure de classement à l'Unesco, pour laquelle elle prévoit d'engager d'importants investissements de restauration de l'église communale.
"Il reste encore beaucoup de boulot", tempère M. Aillagon, en mettant en avant la "très grande difficulté de l'exercice", nécessitant moult documentation et argumentation.
A ce jour, la tour de Camaret (Finistère) reste le seul site breton inscrit au patrimoine mondial de l'humanité, aux côtés de 11 autres sites des fortifications Vauban dans toute la France.