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"Risque d'instabilité financière", "propositions folles": les organisations patronales s'inquiètent que le Rassemblement national (RN), s'il remporte les législatives, ne détricote une politique économique qui a permis aux entreprises et à l'emploi de mieux se porter depuis 2017, mais évitent de l'attaquer trop frontalement.
Mardi matin, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a appelé "le monde économique" à "se mouiller" contre le RN, et notamment les deux plus grosses organisations patronales, le Medef et la CPME, à "dire clairement ce qu'elles pensent des programmes économiques des uns et des autres" et à alerter sur "la facture du programme marxiste de Marine Le Pen".
La veille, les trois organisations représentatives, le Medef, qui défend des entreprises de toutes tailles et parmi elles les plus grandes, la CPME (petites et moyennes entreprises) et l'U2P (entreprises de proximité) ont envisagé de publier une position commune, avant d'y renoncer.
Mardi, dans un communiqué qui ne cite aucun parti, tout en visant clairement des projets du RN et, pour faire bonne mesure, de LFI, le Medef a dit redouter les propositions de "certains", "allant du retour de la retraite à 60 ans à l'indexation automatique des salaires sur l'inflation, en passant par la sortie du nucléaire ou de l'énergie éolienne".
"Elles se traduiraient immanquablement par une nouvelle dégradation de nos finances publiques et par des hausses d’impôt pour les ménages et les entreprises", a assuré le Medef, pointant aussi un risque "d'instabilité financière et de défiance de nos partenaires économiques".
La CPME a évité également de citer le RN dans son propre communiqué, tout en rappelant ses priorités: poursuite de la politique de l'offre, décarbonation de l'économie et réforme du système de protection sociale.
Dans la soirée, Bruno Le Maire a "salué", à l'issue d'un meeting électoral dans l'Eure, "les positions qui ont été prises" par les deux premières organisations patronales.
Non sans souligner qu'elles avaient de quoi être reconnaissantes aux gouvernements successifs d'Emmanuel Macron.
Les 2 millions d'emplois que la majorité présidentielle revendique avoir créés "ne sont pas tombés du ciel, les (nouvelles) usines ne poussent pas comme des champignons (...) tout ça est le produit d'une politique économique", a estimé Bruno Le Maire.
"Cette politique économique donne des résultats, mais elle peut se briser en quelques décisions", a-t-il aussitôt averti.
Signe de l'inquiétude au sein du patronat, le président du Medef, Patrick Martin, et celui de l'U2P, Michel Picon, ont décidé lundi de mettre de côté temporairement leurs vifs sujets de discorde des derniers mois.
- "La même chose" -
"Face aux risques de propositions économiques ou sociales folles", il convient de "prioriser les intérêts de nos entreprises", a expliqué Michel Picon à l'AFP.
Il a rappelé que l'U2P avait critiqué en 2022 le programme économique de Marine Le Pen.
Aujourd'hui, l'organisation veut "respecter le choix du peuple", mais attend du RN qu'il clarifie ses positions, sur des sujets comme la retraite ou l'immigration. Sur ce dernier point, "qu'en est-il pour tous les gens qui bossent chez nous aujourd'hui?", s'est demandé Michel Picon.
Plus téméraire, le Centre des jeunes dirigeants (CJD), qui ne fait pas partie des organisations patronales représentatives, a enjoint mardi à ses membres d'"aller voter" aux législatives, "à l'heure où les partis d'extrême droite atteignent des niveaux de suffrage historiques".
A titre individuel, les patrons essayaient lundi et mardi de garder la tête froide face au possible impact d'une poussée du RN.
"Pas de panique, ce n'est pas fait!", soulignait la direction d'un poids lourd du CAC 40, espérant aussi "qu'une fois au pouvoir, les responsabilités, ça responsabilise
Dans une autre entreprise du CAC 40, on dressait mardi un constat amer: "Tout le monde pense la même chose (du programme économique du RN, NDLR) mais n'ose pas le dire, pour deux raisons principales". D'une part, les entreprises ne veulent pas se mettre à dos les électeurs du RN. D'autre part, puisque ce parti propose la taxation des superprofits dans son programme aux européennes, "personne n'a envie de jeter de l'huile sur le feu".