Partager:
Sa voix chaude caressait le jazz et flirtait avec le blues: la chanteuse belge Maurane, morte à l'âge de 57 ans, était une grande interprète de la chanson française, révélée par Starmania, magnifiée par "un prélude de Bach", amoureuse de Nougaro et Brel.
Ces deux dernières années avaient été un crève-coeur pour Maurane. Comme pour toute chanteuse privée de son pouvoir de chanter. La faute à des cordes vocales endolories qui avaient nécessité une opération délicate.
Cruelle ironie du sort, elle est morte alors qu'elle venait tout juste de regoûter au plaisir de la scène pour reprendre quelques chansons de Jacques Brel il y a quelques jours.
Sa vie aura été guidée par l'amour de la chanson dès l'enfance et l'aura fait passer des ruelles de Bruxelles à la galaxie du showbiz, sans forcément s'y plaire mais avec toujours cette volonté de perpétuer la grande chanson française, celle des Nougaro et des Brel qu'elle vénérait.
L'interprète d'"Amsterdam" ouvre et referme d'ailleurs les parenthèses de sa vie d'artiste, puisque c'est en participant à 19 ans à un spectacle "Jacques Brel en mille temps" que Maurane est repérée par Pierre Barouh, qui lui fait signer à 19 ans son premier contrat chez Saravah.
Née le 12 novembre 1960 à Ixelles dans l'agglomération bruxelloise, Claudine Luypaerts de son vrai nom, est alors une "enfant d'la balle" qui chante dans la rue et se produit dans des cabarets.
Mais son parcours n'est pas celui d'une Piaf: son père est compositeur et directeur de l’Académie de Musique de Verviers, sa mère, Jeannie Patureaux, est professeur de piano. Le solfège constitue son éducation musicale forcée, quand la jeune femme au look légèrement punk ne rêve que de toucher les gens avec son swing.
Alors Barouh lui promet le Brésil. Mais ce sera finalement le Québec, avec son premier 45 tours "J'me roule en boule" (1980). Elle décide de s'appeler Maurane, en hommage à Francis Morane, qui a travaillé à la mise en scène d'un spectacle dont on parle beaucoup: Starmania. Future comédie musicale culte.
- Passeuse d'émotions -
Clin d'oeil du destin: quand une deuxième version de l'opéra-rock est montée par Michel Berger en 1988, ce dernier offre un rôle à Maurane. Elle incarne Marie-Jeanne et reprend notamment "Les uns contre les autres", qui la révèle au grand public.
Mais l'aventure ne dure que six mois. Maurane a la bougeotte et veut tracer son propre sillon.
En 1989, elle sort son deuxième album "Maurane", qui contient le tube "Toutes les mamas". Deux ans plus tard, elle confirme avec l'opus "Ami ou ennemi" porté par la chanson qui reste certainement sa plus belle "Sur un prélude de Bach", arrangée par le grand Jean-Claude Vannier.
La seconde moitié des années 90 est moins prolixe pour cette artiste engagée, qui vient d'être maman d'une petite Lou, mais qu'on voit souvent participer aux spectacles des Restos du Coeur et se mobiliser pour la lutte contre le sida.
Au début des années 2000, elle obtient un nouveau succès avec "Tu es mon autre", chanté en duo avec Lara Fabian.
En 2009, elle effectue un retour remarqué avec un album hommage à son autre idole, Claude Nougaro. "Nougaro ou l'espérance en l'homme" contient 15 titres emblématiques de celui qui écrivit un jour une lettre manuscrite à l'attention de sa "jeune groupie" qui, adolescente, lui avait fait passer une cassette.
Dans ce courrier, qui posa les bases d'une solide amitié, l'auteur de "La locomotive d'or" y complimentait cette future voix d'or et la critiquait aussi, tel un bienveillant professeur. Un rôle que Maurane endosse à son tour en étant jurée de "La nouvelle star" (2012-2014) où elle fait valoir son humour et son exigence.
Son grand retour devait se produire à la rentrée, avec un album de reprises de Jacques Brel, pour célébrer les 40 ans de sa disparition. "Ça fait 15 ans, 20 ans que j'en rêve", disait cette passeuse d'émotions.