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Cédric Sapin Defour, sur les cimes d'un succès littéraire surprise

Avec 300.000 exemplaires vendus, le roman de Cédric Sapin-Defour, "Son odeur après la pluie", dédié à son histoire avec son chien Ubac, offre à ce féru de montagne, professeur de sport et alpiniste, un succès inattendu dont il profite "en vivant l'instant".

Le regard, irrémédiablement, se tourne vers la montagne, il faut dire qu'elle est partout ici dans le Beaufortain, terre d'adoption de Cédric Sapin-Defour. Elle enveloppe les habitants d'Arêches en Savoie, où l'écrivain a donné rendez-vous, non loin de chez lui.

"Je me souviens précisément du jour où ma maman m'a présenté la haute montagne, à l'Aiguille du midi", raconte-t-il, enfant de même pas dix ans qui vivait alors dans le nord de la France. Un "choc esthétique, symbolique, une incompréhension. J'avais l'impression qu'on me présentait une autre planète".

Il devient professeur de sport, comme ses parents, après "s'être perdu" pendant quatre ans dans des études de médecine. En Normandie d'abord, et très rapidement au coeur des Alpes. Ces dernières années, il enseignait encore au collège du Beaufortain.

L'écriture est venue "concomitante à la pratique de la montagne". "Je n'ai pas trouvé mieux pour prolonger le moment, l'instant de connexion avec ces éléments", explique celui qui va fêter ses 49 ans.

Mais c'est l'histoire de sa relation avec Ubac, bouvier bernois, son compagnon de vie pendant 13 ans qui lui a ouvert les portes du succès littéraire depuis sa sortie fin mars 2023 aux éditions Stock - Prix 30 millions d'amis 2023, sélection pour le prix Renaudot essai. Sans oublier les projets qui s'accumulent: traductions, adaptation au cinéma, BD...

"Vous avez le livre sur le chien?", demandent les lecteurs à leurs libraires: l'anecdote qu'il rapporte le fait sourire.

Tout commence pour lui en 2003, à la lecture d'une petite annonce sur 12 chiots nés en Saône-et-Loire. S'en suit l'histoire d'une vie, parsemée de rencontres, de balades et de réflexions sur le monde.

"Je n'aurai de cesse d'observer sa vision du monde pour me souvenir que la mienne n'en est qu'une parmi d'autres", écrit Cédric Sapin-Defour.

"J'aime bien l'histoire du succès du livre, parce que c'est le bouche-à-oreille", confie l'auteur.

L'auteur dit volontiers avoir "quitté la littérature d'aventure par goût de l'aventure", pour ne pas s'enfermer dans un genre. Et surtout, "passer de nouveau du temps avec Ubac", décédé en 2017. "Aller refaire une balade avec son chien, ça ne va pas plus loin au départ".

Le récit d'une relation forte, la "plus horizontale possible" où Ubac est un être à part entière, sans anthropomorphisme, sans misanthropie. Une relation universelle.

- 'Vivre l'instant'-

Epris de nature, de voyages, de liberté et de camaraderie, Cédric Sapin-Dufour est entré dans la lecture par la littérature d'exploration: Joseph Kessel, Jack London, mais aussi les récits de David Roberts "entre le journalisme et le lyrisme de l'exploration", publiés chez Guérin-Paulsen - comme ses propres ouvrages, "Gravir les montagnes est une affaire de style" (2017), "Les sept vies de François Damilano" (2018), sa première biographie, ou "Espresso" (2019), un recueil de chroniques pour Alpine Mag.

Il est aussi "profondément touché" par la poésie de Christian Bobin, et "cette capacité à dire la vie et le monde en quelques mots".

Une aspiration qui se retrouve dans son écriture: action, sensations, sentiments, considérations philosophiques s'enchaînent sans efforts. A l'image de ce qui le fait voyager lui-même en tant que lecteur, le passage de "propos prosaïques" à "une élévation poétique".

"On a des styles d'écriture comme on a des façons de marcher, de rire, d'être au monde", remarque l'auteur: le sien reflète son "désir vraiment profond de vivre l'instant" tout en interrogeant le monde.

Il reprend aujourd'hui le temps d'écrire, après le tourbillon de cette dernière année. Il réfléchit à de futurs voyages, réinvention d'une vie semi-nomade avec sa femme Mathilde qui se remet d'un grave accident.

Encore un regard vers une cime blanche, qui se détache dans un horizon bien dénué de neige cet hiver.

"Je n'ai aucune capacité pour écrire de la fiction. Si je regarde cette montagne, je ne peux que raconter ce que j'ai vécu sur cette montagne", explique-t-il.

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