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"Ici vigie Boutenac, j’aperçois une petite fumée blanche dans mes 355 degrés". Du haut de sa tour de guet, Maëlle ne lâche pas ses jumelles, guettant le moindre départ de feu dans une zone déjà rudement entamée par les flammes en juillet.
Avec des température avoisinant les 40 degrés, l'étudiante de 21 ans est consciente du rôle crucial que revêt son "job d'été" dans la prévention des incendies: dans le département de l'Aude, il existe au total 19 tours de vigie offrant une vue à 360 degrés sur des dizaines de km à la ronde, toutes occupées par des sapeurs pompiers volontaires saisonniers, comme elle.
Seule toute la journée, mais en lien constant avec le PC (poste de commandement) Forêt rattaché au Codis de Carcassonne, Maëlle ne peut jamais baisser la garde. Trois fois par jour, elle effectue un point météo --orientation et vitesse du vent, température, hygrométrie-- et doit être capable de fournir en quelques secondes, grâce à la mesure relevée avec la lunette, la localisation précise d'un éventuel départ de feu.
Pour cette journée, il s'agissait finalement d'une fausse alerte.
Mais le 15 juillet, plus de 200 hectares de forêt et broussailles étaient partis en fumée dans la pinède de Boutenac. "L'incendie s'est déclaré le matin, avant même l'arrivée du vigie", explique à l'AFP Jean-Paul Baylac, responsable du service feu de forêt au Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) de l'Aude.
"Les vigies constituent l'ossature du dispositif préventif qui a pour but de détecter les feux naissants. Car on sait que pour avoir une petite chance de juguler l'incendie, il faut le traiter le plus vite possible avec un maximum de moyens", souligne-t-il.
- "Risques considérables" -
Pourtant, contrairement aux pompiers dont les effets de l'intervention sont bien visibles, "il est très difficile de mesurer l'efficacité des vigies", reconnaît M. Baylac. "On peut toujours supposer que si tel feu n'avait pas été détecté aussi tôt, il aurait pu se développer, mais ça reste une hypothèse".
Sur le terrain, les patrouilles au sol --21 dans l'Aude-- font elles aussi un important travail de prévention, à l'ombre des projecteurs.
"On ne fait jamais la Une des journaux parce que les feux qu'on traite avec notre petit véhicule ne se développent pas finalement, mais on se sent utiles", sourit Michel Galinier, 53 ans. Au volant de son 4x4 jaune poussin flanquée d'une citerne de 500 litres, ce chef patrouilleur depuis près de 30 ans ne semble nullement affecté par le soleil de plomb.
"On assure une surveillance des zones que la vigie ne peut pas voir, on peut être appelés en première reconnaissance sur des fumées suspectes, puis intervenir sur les feux naissants ou demander des moyens plus lourds", explique l'entrepreneur de travaux forestier intervenant pour le compte des communes du massif.
Les patrouilles font aussi du guidage, "car on a une bonne connaissance du secteur et les pompiers ne sont pas souvent du coin", ajoute-t-il.
Une fois l'alerte donnée par l'un de ces deux acteurs principaux de la chaîne de prévention, l'équipe du PC forêt transmet les premiers éléments aux pompiers prépositionnés à de nombreux points du département. "Et si le feu prend encore plus d'ampleur, c'est le Codis qui prend le relais et assure la montée en puissance des moyens, notamment aériens", affirme M. Baylac.
Selon lui, "avec la succession de plusieurs épisodes caniculaires, sous l'effet d'un vent relativement soutenu et des températures très élevées, les risques de propagation de feux sont considérables".
"Aujourd'hui, on oscille entre le 4e et le 5e niveau de risque, sur les 6 que compte l'échelle de risques de la zone méditerranéenne", dit-il, craignant que si les pluies n'arrivent pas très vite, "on basculera rapidement vers le 6e niveau".