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Le gouvernement consulte les syndicats agricoles sur la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, quelques semaines après avoir bloqué une loi augmentant la pension minimum des anciens paysans, pourtant inférieure au seuil de pauvreté.
Une vie de labour pour une retraite de misère. Homme ou femme, cultivateur ou éleveur, tous les agriculteurs à la retraite racontent la même histoire.
Comme Hélène et son mari, 1.864 euros de pensions et "un grand sentiment d'injustice" après s'être occupés de 200 vaches "en permanence" et parfois "dans des conditions difficiles".
Jacques, lui, avait choisi le maïs et la volaille. Sa femme, qui a repris l'exploitation, arrêtera bientôt de travailler. Ils recevront alors "moins de 2.000 euros" par mois.
De quoi se demander si le jeu en valait la chandelle: "si j'avais choisi un autre métier, j'aurais certainement travaillé moins, j'aurais eu une autre vie de famille, et aujourd'hui j'aurais une autre retraite".
Les "non salariés agricoles" sont en effet peu payés de leurs efforts: en 2015, ils touchaient en moyenne 730 euros pour une carrière complète, contre 1.800 euros pour l'ensemble des Français, selon le Conseil d'orientation des retraites.
Ceux qui n'ont pas d'autre revenu - un bien en location, le plus souvent - restent donc bien en deçà du seuil de pauvreté, qui était de 1.015 euros la même année.
Pour améliorer l'ordinaire des anciens chefs d'exploitation, le précédent gouvernement avait relevé le minimum garanti à 75% du Smic net, soit 871 euros - toujours pour une carrière complète.
Une proposition de loi communiste, votée à l'unanimité par les députés début 2017, devait porter ce montant à 987 euros, soit 85% du Smic net, dès 2018, en augmentant une taxe sur les grandes surfaces commerciales.
Mais l'exécutif a bloqué in extremis l'adoption du texte au Sénat en mars, pour ne pas "créer un nouvel impôt sans cadre budgétaire" ni décider d'une revalorisation "indépendamment des autres évolutions qui affectent notre système de retraites".
- "Le plus à gagner" -
Pas de nouveau coup de pouce aux petites pensions agricoles alors que le chef de l'Etat veut que sa réforme, censée transformer la "quarantaine" de régimes existants en "un système unique", soit "votée en 2019".
Les syndicats agricoles, qui réclament tous un minimum à 85% du Smic net, ont diversement apprécié ce refus. La FNSEA, largement majoritaire, n'a pas protesté. "On est le régime qui, normalement, devrait avoir le plus à gagner" des changements à venir, décrypte Robert Verger, membre du bureau de l'organisation.
Reçu jeudi par la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn, et le Haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, il a plaidé pour une inversion du schéma actuel: au lieu de compléter les pensions inférieures au minimum, l'État devrait ainsi garantir "un socle de base pour tous les retraités".
La Coordination rurale, qui avait été "profondément choquée" du vote bloqué au Sénat, a également été consultée lundi. Elle a avancé l'idée d'une hausse de la TVA, en particulier sur les importations, pour "payer un petit peu moins de cotisations et retrouver un peu de compétitivité", indique Jean-Paul Vuilliot.
Le syndicat aimerait aussi "récupérer un peu d'argent au niveau du fonctionnement de la MSA", la caisse de sécurité sociale des agriculteurs, dont il dénonce la "gabegie énorme".
Du côté de la Confédération agricole, qui s'était indignée en mars du "coup de force inadmissible du gouvernement", la rencontre prévue la semaine prochaine sera l'occasion de demander "qu'il n'y ait aucune retraite qui soit inférieure au minimum vieillesse", prévient Christian Boisgontier.
Il faudrait aussi "aider les agriculteurs à financer leurs cotisations quand la crise est là", estime-t-il, jugeant "pas normal que les paysans n'aient pas une retraite équivalente à la moyenne française. On n'est pas des sous-citoyens".