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L'Eglise orthodoxe russe a annoncé lundi à Minsk rompre ses liens avec le Patriarcat de Constantinople, une nouvelle étape de la crise opposant ces deux Eglises rivales après la décision de Constantinople de reconnaître une Eglise indépendante en Ukraine.
"Nous ne pouvons plus célébrer d'office en commun, nos prêtres ne pourront plus participer aux liturgies avec des hiérarques du Patriarcat de Constantinople", a déclaré aux journalistes le métropolite Hilarion, chargé de la diplomatie du Patriarcat de Moscou, à l'issue d'un synode de l'Eglise orthodoxe russe dans la capitale bélarusse.
"Nous ne pouvons pas garder le contact avec cette église, qui est en situation de schisme", a-t-il ajouté.
Mgr Hilarion a précisé que cette rupture complète des "liens eucharistiques" impliquait également que les fidèles du Patriarcat de Moscou ne pouvaient plus désormais communier dans des églises sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople.
Celui ci a décidé la semaine dernière de reconnaître une Église orthodoxe indépendante en Ukraine, mettant fin à 332 années de tutelle religieuse russe, ce qui pose la question de l'avenir de millions de croyants dans ce pays.
Après l'indépendance de l'Ukraine en 1991 et la chute de l'URSS, Filaret, un ancien hiérarque du Patriarcat de Moscou, a créé une Eglise orthodoxe ukrainienne dont il s'est autoproclamé patriarche, ce qui lui a valu d'être excommunié.
Depuis, les fidèles ukrainiens sont principalement divisés entre ces deux églises. L'Eglise du Patriarcat de Moscou dispose en Ukraine du plus grand nombre de paroisses (plus de 12.000), mais le Patriarcat de Kiev compte, selon des sondages, le plus grand nombre de croyants.
- Crainte de troubles -
Ce conflit entre les deux Eglises orthodoxes a été exacerbé ces quatre dernières années par la montée des tensions entre l'Ukraine et la Russie, dont les relations se sont gravement dégradées après le soulèvement du Maïdan à l'hiver 2013-2014 qui a porté au pouvoir des pro-occidentaux à Kiev.
Cette révolution a été suivie par l'annexion de la Crimée par la Russie et une guerre avec des séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine, qui a fait plus de 10.000 morts.
Soutenue par les députés et le président ukrainien, l'indépendance de l'Eglise ukrainienne est perçue à Kiev comme un moyen de porter un coup à l'influence de la Russie en Ukraine, le patriarche Kirill à la tête de l'Eglise orthodoxe russe étant considéré comme très proche du Kremlin.
Le Patriarcat de Moscou, qui a dénoncé un "schisme" et une "catastrophe" après la décision de Constantinople, a averti que des troubles pourraient se produire en Ukraine entre partisans des deux Eglises rivales. Certains prêtres de paroisses loyales à Moscou ont appelé leurs fidèles à se tenir prêts à se défendre contre d'éventuelles opérations de force destinées à s'emparer de leurs églises.
L'une des questions les plus sensibles est de savoir à quelle Eglise seront rattachées les laures, ces grands monastères orthodoxes dont les plus symboliques sont la laure de Kievo-Petchersk dans la capitale et celle de Potchaïv (ouest), actuellement toutes les deux rattachées au patriarcat de Moscou.
Les autorités "assurent qu'il n'y aura pas de recours à la force, mais comment prévoient-elles alors de transférer nos églises et locaux à d'autres?", s'est inquiété auprès de l'AFP l'archevêque ukrainien Kliment Vetcheria, porte-parole de l'Eglise loyale à Moscou.
Après la visite en Ukraine en septembre de deux envoyés du Patriarcat de Constantinople, l'Eglise orthodoxe russe avait déjà décidé de rompre une partie de ses liens avec Constantinople.
La semaine dernière, le Patriarcat de Constantinople a également décidé de "rétablir dans sa fonction hiérarchique" le Patriarche Filaret, après avoir examiné un appel qu'il avait présenté contre son excommunication par Moscou.