Mordu d'aviation, Benoît Dierickx a vécu ce titre de champion du monde comme une consécration. Depuis 35 ans, cet habitant de Chastre (dans le Brabant wallon) ne compte plus les heures passées dans les airs, pour sa profession mais aussi pour relever de nouveaux défis.
A 56 ans, ce pilote de ligne est commandant de bord chez TUI fly Belgium et passionné de voltige. Pour arriver à se retrouver la tête à l'envers et à vivre des sensations fortes à bord d'un avion vintage, il a vécu de nombreuses expériences.
"Comme beaucoup de passionnés d’aviation, j'ai commencé par l'aéromodélisme. J'en ai énormément fait étant plus jeune avant de passer au vol à voile à Saint-Hubert quand j'étais adolescent", raconte-t-il.
Originaire de Namur, il est ensuite passé par l'Ecole d'aviation civile (EAC) en vue de devenir pilote de ligne professionnel. "J'ai travaillé pour la Sabena jusqu’en 2001. Après la faillite, j'ai retrouvé un job chez Jetair qui est devenu TUI Fly", précise-t-il. "L’aviation légère coûte cher et les avions de voltige ne sont pas faciles à trouver ou à louer en Belgique."
N'ayant pas les moyens de s'offrir un avion pour faire de la voltige, Benoît Dierickx a commencé la discipline "sur le tard".
"En Belgique, rien n’est structuré pour ça. Vous faites de la voltige quand vous avez un avion. Cela arrive quand la maison est payée et que les enfants sont grands", confie-t-il. "En France, c’est très structuré. Un gamin de 20 ans peut rentrer dans un club et faire ses premières armes là-bas. C’est une approche relativement différente d’un pays à l’autre. Cela coûte relativement cher et il n’y a pas de subventions en Belgique. Je me suis dirigé vers cette discipline quand j’en ai eu les moyens."
L'avion de ses rêves à 100.000 euros
A 50 ans, il s'est dit qu'il pouvait "se lâcher" après avoir trouvé l'avion de ses rêves... en Pologne. Une réplique du Bucker Jungmeister (un avion qui a réalisé son premier vol en 1935), qui a été construite par un amateur indépendant. "Il n’y avait pas de moteur. J’en ai trouvé un en occasion au Canada. J’ai ensuite fait en sorte d’assembler les deux." Pour cette acquisition, Benoît a dépensé quelque 100.000 euros en 2012.
Mais avant de pouvoir réalisé son premier vol, il a dû passer un programme de tests. "Une trentaine d’heures que l’administration polonaise m’a demandé de faire pour montrer la qualité de vol. C’est réglementé avant d’avoir une certification d’aviation. Il y a tout un processus pour obtenir un "permit to fly"", explique-t-il.
Son premier vol aura finalement lieu en 2015 à Otrokovice en République tchèque, où une firme l'a aidé à installer le moteur d'origine tchèque dans le biplan (un avion pourvu de deux ailes portantes superposées). Une grande émotion pour Benoît après des années d'attente.
C’est magique car vous faites corps avec la machine
"C’était un aboutissement et une surprise de piloter ce monoplace, le "Stradivarius" de l’aviation légère. Je l’ai découvert lors du premier vol. Il est fait avec la technologie des années 30 et quand j’ai pris les commandes, je me suis rendu compte que ça volait merveilleusement bien", détaille-t-il. "C’est très homogène et agile, sans être brutal. C’est une agréable sensation de pouvoir se balader entre quatre ailes. C’est magique car vous faites corps avec la machine. Vous êtes en contact direct avec l’avion et vous répond au doigt et à l’œil. Je n’ai pas fait de figure durant le premier vol. J’ai fait quelques exercices pour voir comment la machine réagissait."
En 2019, Benoît en est déjà à 200 heures de vol avec son Bucker Jungmeister, ce qui représente quelques 400 vols.
Attiré par la voltige aérienne, le Chastrois s'est alors entraîné pour réaliser différentes figures. "Tout ce que j’ai appris en tant qu’aéromodéliste, j’ai pu l’appliquer en voltige 'grandeur nature'", indique-t-il.
"Ma discipline consiste à faire des figures avec un avion conçu pour. Il faut parvenir à gérer la résistance de l’avion et votre physique. Quand vous faites de la voltige vous prenez des accélérations et sur un avion ancien, cela se limite souvent à +5G (soit 5x le poids de l’individu soumis à l’accélération. Les pilotes de chasse peuvent par exemple supporter jusqu’à 9G) et -3G. C’est bien adapté à mon âge puisque j’ai 56 ans."
La voltige aérienne commence avec le looping, la boucle, le tonneau ou encore la vrille. "Et toutes les figures qui peuvent être extrapolées, plus des figures basées sur des autres rotations… On joue avec les forces, les accélérations, les inerties… On joue avec tout ça dans les limites de l’enveloppe de résistance de l’avion, du moteur et du pilote. On essaye de faire un show aérien. C’est comme un danseur qui peut vous présenter des choses très classiques comme une valse ou des mouvements inédits car il est tombé sur une suite de manœuvres qui donnaient très bien. C’est ça la voltige aérienne."
C'est en affichant sa technique lors d'un vol que Benoît a convaincu les juges du championnat du monde de voltige aérienne à bord d'un avion vintage (des avions qui ont été construits avant 1950 ou des répliques). A Gera, en Allemagne, il a piloté durant près de 10 minutes pour décrocher la médaille d'or dans la catégorie "artistique".
"Il y avait 4 juges au sol qui évaluaient nos figures. Durant ces championnats du monde, il y avait plusieurs catégories dont l’académique (les juges cotent la netteté et la précision des figures imposées de 0 à 10), et la catégorie artistique (performance où l’harmonie du vol est jugée, la performance technique du pilote et la présentation devant le public)", précise le champion du monde brabançon. Un vol académique dure 5 minutes et un artistique peut durer de 3 à 10 minutes. J’ai terminé 3e en académique et 1er en artistique, sur quelque 14 participants."
Dans le "petit monde" de la voltige belge, Benoît compte à présent prendre un maximum de bon temps à bord de son biplan et peaufiner ses figures avant de les présenter en compétition. Réapparus il y a quatre ans, les championnats du Monde et d'Europe vintage ont à présent lieu une année sur deux en alternance.